La tragédie classique est un genre qui a connu une sorte d’âge d’or au XVIIe siècle grâce à des dramaturges français comme Jean Racine et Pierre Corneille. Ces auteurs reprennent le thème de l’impossibilité du bonheur, qui pousse le héros ou l’héroïne à accomplir des actes qui l’amènent vers la mort. Dans sa pièce Phèdre, Jean Racine met en scène l’histoire de la jeune épouse du roi Thésée, Phèdre, qui est amoureux d’Hippolyte, le fils de son mari. |
Acte premier SCÈNE PREMIÈRE: HIPPOLYTE, THÉRAMÈNE.
HIPPOLYTE Le dessein en est pris : je pars, cher Théramène, Et quitte le séjour de l’aimable Trézène. Dans le doute mortel dont je suis agité, Je commence à rougir de mon oisiveté. Depuis plus de six mois éloigné de mon père, J’ignore le destin d’une tête si chère; J’ignore jusqu’aux lieux qui le peuvent cacher.
THÉRAMÈNE Et dans quels lieux, seigneur, l’allez-vous donc chercher ? Déjà pour satisfaire à votre juste crainte, J’ai couru les deux mers qui sépare Corinthe; J’ai demandé Thésée aux peuples de ces bords Où l’on voit l’Achéron se perdre chez les morts; J’ai visité l’Élide, et, laissant le Ténare, Passé jusqu’à la mer qui vit tomber Icare. Sur quel espoir nouveau, dans quels heureux climats Croyez-vous découvrir la trace de ses pas ? Qui sait même, qui sait si le roi votre père Veut que de son absence on sache le mystère ? Et si, lorsque avec vous nous tremblons pour ses jours, Tranquille et nous cachant de nouvelles amours, Ce héros n’attend point qu’une amante abusée…
HIPPOLYTE Cher Théramène, arrête; et respecte Thésée. De ses jeunes erreurs désormais revenu, Par un indigne obstacle il n’est pas retenu; Et, fixant, de ses vœux l’inconstance fatale, Phèdre depuis longtemps ne craint plus de rivale. Enfin, en le cherchant que je suivrai mon devoir, Et je fuirai ces lieux, que je n’ose plus voir.
THÉRAMÈNE Eh ! depuis quand, seigneur, craigniez-vous la présence De ces paisibles lieux si chers à votre enfance, Et dont je vous ai vu préférer le séjour Au tumulte pompeux d’Athène, et de la cour ? Quel péril, où plutôt quel chagrin vous en chasse ?
HIPPOLYTE Cet heureux temps n’est plus. Tout a changé de face Depuis que sur ces bords les dieux ont envoyé La fille de Minos et de Pasiphaé.
THÉRAMÈNE J’entends : de vos douleurs la cause m’est connue. Phèdre ici vous chagrine et blesse votre vue. Dangereuse marâtre, à peine elle vous vit, Que votre exil d’abord signala son crédit. Mais sa haine sur vous autrefois attachée, Ou s’est évanouie, ou s’est bien relâchée, Et d’ailleurs quels périls vous peut faire courir Une femme mourante, et qui cherche à mourir ? Phèdre, atteinte d’un mal qu’elle s’obstine à taire, Lasse enfin d’elle-même et du jour qui l’éclaire, Peut-elle contre vous former quelques desseins ?
HIPPOLYTE Sa vaine inimitié n’est pas ce que je crains, Hippolyte en partant fuit une autre ennemie; Je fuis, je l’avouerai, cette jeune Aricie, Reste d’un sang fatal conjuré contre nous.
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