La fille de Mishtenapeu avait atteint l'âge des grandes bêtes; toute la tribu savait qu'elle pouvait ramener des lièvres et des lagopèdes, il était  temps de revenir avec une prise d'homme. Mais ce ne serait pas un castor, ni un caribou. Maïna suivait un loup.

 

Les premières empreintes étaient apparues de l'autre côté de la montagne chauve. Maïna avait caressé de ses doigts nus les traces fraîches, bien profondes, dans la neige. Elles traversaient une rivière puis un sous-bois. C'est en atteignant une petite clairière ensoleillée que Maïna aperçut enfin les sept loups. Ses entrailles se nouèrent et un désir impérieux naquit en elle. Une force irrésistible l'attirait vers ces bêtes.

 

Elle choisit le plus haut, le plus large, le plus noir, celui qui ne baissait jamais la queue: le chef. Toute la journée, elle marcha sous le vent, assez loin pour ne pas être sentie ni entendue. La neige lui racontait le passage des loups. Leurs arrêts, leurs hésitations. Maïna se sentait forte, et, pourtant, elle tremblait.

 

Ils s'arrêtèrent sans une tourbière gelée. Le chef était aux aguets.

 

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Maïna voulait tuer. Planter sa lance et voir mourir avant qu'il fasse brun. Tuer puiser, entrer, éviscérer, écorcher et porter la bête encore chaude jusqu'au camp. Elle avançait à grands pas souples, mue par ce désir immense qui l'habitait tout entière. La veille, des hommes avaient ramené un caribou que l'hiver n'avait pas trop amaigri. Malgré sa grande faim, Maïna avait détourné son regard des entrailles fumantes. Le chef, Mishtenapeu, avait compris que sa fille renonçait à la nourriture afin d'amadouer les esprits avant d'accomplir un geste sacré. Maïna espérait qu'en échange le manitou lui livrerait une bête.

 

Elle n'avait pas attendu que le soleil se lève en cherchant sa route dans le brouillard. Elle avait amorcé sa longue marche sous une lune blafarde. Les corbeaux volaient bas et les geais gris n'avaient pas crié. C'était bon signe.

 

Elle aurait pu chasser avec les hommes. Un passage de caribous avait été découvert dans la neige, des chasseurs épieraient la harde pour tendre une embuscade. Elle aurait aussi pu poser des collets de racines ou attirer des porcs-épics en sifflant, mais Maïna avait laissé les esprits guider ses pas et ils l'avaient conduite ailleurs.  

Zone de Texte: Le plaisir de lire
Zone de Texte: Les premiers paragraphes du roman

Maïna est une jeune amérindienne, fille du chef de la tribu des Presque Loups. Dans l'immensité du territoire qu'elle parcourt, de la forêt à la mer, elle doit lutter contre un environnement aussi généreux qu'impitoyable. Se nourrir, s'abriter se vêtir, se défendre, se chauffer tel est le lot quotidien des Presque Loups.

 

Comme les autres membres de sa tribu, Maïna accepte l'inexorable loi de la nature. Mais qu'en est-il de la loi des hommes? Pourquoi tanner les peaux alors que chasser l'enivre? Pourquoi subir les avances de Saito, son promis, alors qu'elle le déteste? Non, jamais elle ne s'y résignera.

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