Les derniers rayons du jour éclairaient la façade historiée des maisons. Les fumées montaient tout droit dans l'air pur du soir. Une carriole grinçait au loin dans la plaine.

 

Ces paisibles campagnards bâlois furent tout à coup mis en émoi par l'arrivée d'un étranger est quelque chose de rare dans ce petit village de Rünenberg; mais que dire d'un étranger qui s'amène à une heure indue, le soir, si tard, juste avant le coucher du soleil ? Le chien noir resta la patte en l'air et les vieilles femmes laissèrent choir leur ouvrage. L'étranger venait de déboucher par la route de Soleure. Les enfants s'étaient d'abord portés à sa rencontre, puis ils s'étaient arrêtés, indécis. Quant au groupe des buveurs, " Au Sauvage ", ils avaient cessé de boire et observaient l'étranger par en dessous. Celui-ci s'était arrêté à la première maison du pays et avait demandé qu'on veuille bien lui indiquer l'habitation du syndic de la commune. Le vieux Buser, à qui il s'adressait, lui tourna le dos et, tirant son petit-fils Hans par l'oreille, lui dit de conduire l'étranger chez le syndic. Puis il se remit à bourrer sa pipe, tout en suivant du coin de l'œil l'étranger qui s'éloignait à longues enjambées derrière l'enfant trottinant.  

 

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La journée venait de finir. Les bonnes gens rentraient des champs, qui une bine sur l'épaule ou un panier au bras. En tête venaient les jeunes filles en corselet blanc et la cotte haut-plissée. Elles se tenaient par la taille et chantaient :

 

Wenn ich ein Vöglein wär

Und auch zwei Flüglein hätt

Flög ich zu dir…

 

Sur le pas de leur porte, les vieux fumaient leur pipe en porcelaine et les vieilles tricotaient de longs bas blancs. Devant l'auberge " Zum Wilden Mann " on vidait des cruchons du petit vin blanc du pays, des cruchons curieusement armoiriés d'une crosse d'évêque entourée de sept points rouges. Dans les groupes on parlait posément, sans cris et sans gestes inutiles. Le sujet de toutes les conversations était la chaleur précoce et extraordinaire pour la saison et la sécheresse qui menaçait déjà la tendre moisson.

C'était le 6 mai 1834.

 

Les vauriens du pays entouraient un petit Savoyard qui tournait la manivelle de son orgue de Sainte-Croix, et les mioches avaient peur de la marmotte émoustillé qui venait de mordre l'un d'eux. Un chien noir pissait contre l'une d'eux. Un chien noir pissait contre l'une des quatre bornes qui encadraient la fontaine polychrome.

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Zone de Texte: Le plaisir de lire
Zone de Texte: Les premiers paragraphes du roman

Le héros de L'Or, Johan August Suter, est parti pour l'Amérique dans la première moitié du XIX° siècle pour y faire fortune. D'abord fermier dans le Missouri, il s'intéresse beaucoup à ce que racontent les gens de passage qu'il accueille dans son domaine.

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