Natacha affichait maintenant sept printemps, et l'héritier taciturne, Paul dit la Tulipe en raison d'une crinière aux allures florales, traînait derrière lui treize ans de mauvaise humeur.

 

Malgré le tempérament saturnien et vindicatif de ce dernier, la tribu Sauvage coulait des jours paisibles aux environs de Laval, en Mayenne, au rythme des humeurs fantasques du Zèbre.

 

Bien que notaire, condition qui ne porte guère aux incongruités, Gaspard collectionnait les opinions particulières. Ce trait de caractère était à l'origine de son surnom, suggéré par Camille et ratifié par leurs amis. Tel son homonyme à pelage rayé, il se montrait indomptable. Ni les coups de règle à l'école, ni ses années d'études juridiques, ni le dressage du service militaire n'étaient parvenus à fléchir son naturel extravagant. Rétif à tout comportement grégaire, il était de ces irréguliers qui se méfient des idées de tout le monde, celles qui constituent le prêt-à-porter de la pensée.

 

Le Zèbre tenait les médecins diplômés en piètre estime, consultait lui-même ses urines à l'œil nu avec régularité et ne consentait à se laisser soigner que par son vétérinaire personnel, Honoré Vertuchou.

 

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Gaspard Sauvage, dit le Zèbre, refusait de croire au déclin des passions. Il se sentait né pour aimer une femme, la sienne. Fraîchement bagué, il s'était juré que son mariage avec Camille ne ferait jamais naufrage, comme tant d'autres, usés par les années de lit à deux places.

 

Quinze ans après le carillon nuptial, ils n'avaient guère changé. Camille conservait une beauté qui se soutenait sans artifice, et le Zèbre n'était pas menacé d'embonpoint; mais force lui était de constater qu'ils s'ensablaient dans une torpeur matrimoniale voisine du sommeil.  Le sacrement leur avait servi d'oreiller.

 

Camille s'était lancée dans la maternité à deux reprises et, du même coup, avait troqué son rôle de maîtresse légale pour celui, plus sage, de mère. Un jour chassant l'autre, la ferveur de leurs premières étreintes s'était muée insensiblement en une complicité de vieux époux. Leur couple n'était pas encore sinistré, mais l'habitude avait engourdi leurs corps. Ils ne faisaient plus l'amour qu'avec parcimonie.

 

Camille consacrait une part de son attention aux cours de mathématiques qu'elle assenait aux élèves du lycée de Laval et le reste de son temps à sa paire de rejetons.

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Zone de Texte: Le plaisir de lire
Zone de Texte: Les premiers paragraphes du roman

Gaspard Sauvage, dit le Zèbre refuse de croire au déclin des passions . Bien que notaire de province condition qui ne porte guère aux extravagances, le Zèbre est de ces irréguliers qui vivent au rythme de leurs humeurs fantasques.

 

Quinze ans après avoir épousé Camille, il décide de ressusciter l'ardeur des premiers temps de leur liaison. Insensiblement, la ferveur de leurs étreintes s'est muée en une complicité de vieux époux. Cette déconfiture désole Gaspard.

Loin de se résigner, il part à la reconquête de sa femme.

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