Mais aucune de ces entailles n'était récente : elles étaient vieilles comme les érosions d'un désert sans poissons.

 

Tout en lui était vieux, sauf son regard, qui était gai et brave, et qui avait la couleur de la mer.

 

"Santiago, dit le gamin tandis qu'ils escaladaient le talus après avoir tiré la barque à sec, je pourrais revenir avec toi maintenant. On a de l'argent. "

 

Le vieux avait appris au gamin à pêcher et le gamin aimait le vieux.

"Non, dit le vieux, t'es sur un bateau qu'a de la veine. Faut y rester.

 

- Mais rappelle-toi quand on a passé tous les deux vingt-sept jours sans rien attraper, et puis tout d'un coup qu'on en a ramené des gros tous les jours pendant trois semaines.

- Je me rappelle, dit le vieux. Je sais bien que c'est pas par découragement que tu m'as quitté.

- C'est papa qui m'a fait partir. Je suis pas assez grand. Faut que j'obéisse, tu comprends. 

- Je sais, dit le vieux. C'est bien naturel.

- Il a pas confiance

- Non, dit le vieux. Mais on a confiance nous autres, hein ?

-Oui, dit le gamin. Tu veux-t-y que je te paie une bière à la Terrasse?

      

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Il était une fois un vieil homme, tout seul dans son bateau, qui pêchait au milieu du Gulf-Stream. En quatre-vingt-quatre jours, il n'avait pas pris un poisson. Les quarante premiers jours, un jeune garçon l'accompagna; mais au bout de ce temps les parents du jeune garçon déclarèrent que le vieux était décidément et sans remède salao, ce qui veut dire aussi guignard qu'on peut l'être. On embarqua donc le gamin sur un autre bateau, lequel, en une semaine, ramena trois poissons superbes.

 

Chaque soir le gamin avait la tristesse de voir le vieux rentrer avec sa barque vide. Il ne manquait pas d'aller à sa rencontre et l'aidait à porter les lignes serrées en spirales, la gaffe, le harpon, ou la voile roulée autour du mât. La voile était rapiécée avec de vieux sacs de farine; ainsi repliée, elle figurait le drapeau en berne de la défaite.

 

Le vieil homme était maigre et sec, avec des rides comme des coups de couteau sur la nuque. Les taches brunes de cet inoffensif cancer de la peau que cause la réverbération du soleil sur la mer des Tropiques marquaient ses joues; elles couvraient presque entièrement les deux côtés de son visage; ses mains portaient les entailles profondes que font les filins au bout desquels se débattent les lourds poissons. 

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Zone de Texte: Le plaisir de lire
Zone de Texte: Les premiers paragraphes du roman

Le vieil homme part tout seul, sur la mer, dans sa petite barque, à la recherche d’un grand poisson. Le grand poisson mord à son hameçon. Pendant trois jours et deux nuits le vieux luttera contre lui. A la fin, au prix d’efforts incroyables, il en viendra à bout. Le vieux installe sa voile et met le cap sur la terre. Au bout d’une heure, les requins arrivent et dévorent le grand poisson. Le vieux en tue autant qu’il peut, mais quand il rentre au port il ne reste du poisson que la tête et l’arête. C’est la condition même de l’homme qui est dépeinte ici; c’est l’histoire du courage humain, de l’énergie humaine...

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