médiocre, sans la moindre ambition de m’améliorer.

 

L’appartement était silencieux, sauf pour le râle étouffé des voitures qui montait de la rue. J’ai mis la radio et un air d’opéra italien plutôt gai a empli la pièce. J’ai allumé une cigarette. J’avais envie d’oisiveté, et l’idée de rien faire de ma journée me comblait d’aise. Cela prenait l’allure d’un projet, et en tant que tel, il en valait bien un autre, à la différence qu mes chances de succès étaient bonnes. Même dans mes pires léthargies, je ne me suis jamais refusé une journée de repos, ce  qui ne constitue un paradoxe qu’en apparence.

 

J’ai plus ou moins terminé les mots croisés, omettant deux ou trois symboles chimiques et un homme d’État israélien. J’ai nourri les chats, mais seul le gros gris s’est présenté à table. L’autre avait l’habitude des escapades nocturnes. Ça m’a rappelé qu’il fallait le faire castrer. J’ai ensuite repris le journal, m’arrêtant aux résultats du tennis féminin et à la politique municipale. Quand j’en ai été réduit à décrypter machinalement les cotes de la Bourse, j’ai décidé de sortir faire un tour.

 

Il était rare que je sois debout aussi tôt, et la ville, dans cette lumière tendre du matin, me paraissait neuve, factice même. Une brillante contrefaçon de celle que je connaissais, une ville de carton-pâte. (…)

 

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Je me suis levé doucement, sans réveiller le chat, j’ai enfilé un jean et, sur la pointe des pieds je suis allé à la cuisine. Dans la pièce chaude, le soleil oblique de neuf heures faisait danser la poussière. J’ai allumé la cafetière. Il y avait douze jours que Marlène était partie.

 

Je suis descendu chercher le journal au bas de l’escalier. Le béton du trottoir était encore frais. Je suis resté là un peu, pieds nus, à humer l’air comme un chien qui s’éveille. Un cycliste est passé et je suis remonté. Pendant que gargouillait la cafetière, je me suis servi un grand verre de jus. Petit survol des nouvelles habituelles, météo, sports. Le monde était toujours en place, ce qu’il est réconfortant d’apprendre avent le premier café de la journée. Et puis la lecture du journal, au fond, tient davantage pour moi du rituel que d’une quelconque soif d’information; le premier signe de ponctuation de la journée.

 

Armé d’une grande tasse de café, j’ai attaqué les mots croisés. Arbrisseau africain. Thulium. Chef-lieu de la Marne. Je finis toujours par buter sur ces petits mots bêtes, dont je suis incapable de me souvenir. Mais à la rigueur, ça me rassure de savoir que je ne m’obstrue pas trop les méninges avec ce genre de renseignements. J’ai toujours été un cruciverbiste  

Zone de Texte: Le plaisir de lire

Alex s’y voyait déjà, dans sa maison de campagne, à élever des poules, des chiens et quelques enfants. Et au centre de tout, dans chaque recoin de l’air, il y avait Marlène. Elle était son ancre, l’échine de sa vie.

 

Alors, quand Marlène le quitte, Alex sombre. Sans doute aurait-il préféré y rester. Mais, au lendemain du naufrage, il refait surface, parmi les êtres et les choses, dans un océan dont il ne reconnaît plus la houle étrange. (…)

Zone de Texte: Romans du Québec
Zone de Texte: Les premiers paragraphes du roman

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