Je me suis bien gardée de poser la question devant papa et ses deux amis, pour ne pas les vexer. Papa m’a laissée partir avec eux au Yémen, son pays natal. Abdul Khada et son fils Mohamed m’invitent dans leur famille, voyagent avec moi, ils sont très gentils et généreux. Une telle question de ma part les aurait sûrement offensés. 

 

Abdul Khada est un ami de mon père, quarante-cinq ans, cheveux noirs frisés, terriblement moustachu et d’une élégance un peu raide. À côté de mon père toujours légèrement voûté, il se tient droit, l’air sûr de lui, dominateur, malgré sa taille relativement modeste. Son fils aîné Mohammed, plus petit, trapu, gros même, semble sympathique, comme souvent les gros, plus amical et chaleureux. En fait le père a un visage rébarbatif, plutôt laid, alors que le fils est agréable. Mohammed est marié et a deux enfants. Je sais peu de chose sur eux à vrai dire. Ce sont surtout les copains de papa.

- Tu as peur de l’avion, Zana ?

- Ça ira maman…

En fait j’ai peur, mais je n’aime pas le dire. C’est mon caractère, je me sens dure, solide dans ma tête. Pourtant ce baptême de l’air, qui va m’emporter à des milliers de kilomètres de chez moi, provoque une sorte de tremblement intérieur, l’impression que le danger me guette, avec un creux à l’estomac bizarre, comme une boule de vide plutôt.

      

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Il s’appelle Mackenzie, je l’appelle Mackie. C’est plus rigolo. Je l’aime et je crois bien qu’il m’aime. Mais à quinze ans, on ne dit pas les choses ainsi.

On dit :

- Je vais te manquer, Mackie ?

- Ouais… Mais toi, tu vas en vacances, c’est super. Moi, je reste à Birmingham tout l’été, c’est galère.

 

Et puis la danse finie, l’heure venue de se quitter, pour que papa et maman ne fassent pas de scandale, on dit encore :

- Bon, ben salut Mackie…

Et le baiser dit le reste, au coin des lèvres.

- Salut Zana…

Et le regard qui frôle en dit encore un peu plus.

 

C’était hier, c’était la nuit. À l’aube, à l’aéroport de Londres, après des heures de trajet en bus, une tasse de thé et un beignet constituent ma ration de survie. Papa et maman ne me quittent pas des yeux et je suis affreusement nerveuse.

- Maman ? Si je ne me plais pas là-bas, je pourrai revenir tout de suite ?

- Bien sûr, tu peux revenir quand tu veux Zana… Qu’est-ce qu’i ly a ? Tu semblais si heureuse de partir.

- Rien… tout va bien, c’est juste que… si ça ne me plaisait pas…

- Toi qui aimes tant le soleil, ça m’étonnerait… dès que tu seras là-bas, tu oublieras l’Angleterre.

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Zone de Texte: Le plaisir de lire
Zone de Texte: Les premiers paragraphes du roman

« Pendant huit ans, je me suis accrochée. Huit ans durant lesquels, jour après jour, je me suis répété que j’allais sortir de ce village. Qu’il n’y avait aucune raison pour que je reste prisonnière à jamais de ces sauvages. Huit ans.

Et je n’en étais qu’à mon troisième jour. Je n’avais pas encore seize ans; j’en avais vint-quatre quand j’ai quitté le Yémen et ma prison. Mais j’ai survécu, avec deux idées fixes, l’espoir et la haine, aussi puissantes l’une que l’autre. Elles m’ont aidée à ne pas mourir. »

Zone de Texte: Commentaires du Cyberprof

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