Ils obéirent sans conviction. Alors le patron se dirigea vers l’abri de cuisine.

 

Le radeau avait la superficie d’une bonne petite église de village, mais toute ressemblance avec une nef s’arrêtait là. C’était essentiellement un assemblage de pièces de bois équarri à la hache. On faisait un cadre avec les troncs des plus grands arbres que la terre du Canada ait jamais portés et on garnissait l’intérieur de pièces de moindre dimension. À vrai dire, ce premier plancher était constitué d’une douzaine de petits radeaux reliés entre eux par de la fibre de bois tressée, qu’on insérait dans des trous pratiqués à l’aide d’une tarière à longue tige terminée par une barre horizontale que deux hommes manoeuvraient en tournant. Cette technique d’assemblage permettait, au besoin, de fractionner l’ensemble pour franchir les passages étroits.

 

Sur la première rangée de pièces, c’était habituellement du pin, on en disposait transversalement une autre, du chêne quand il y en avait, puisque cette dernière essence ne flotte pas; on pontait ensuite le tout dans le sens des pièces du dessous et on déposait là-dessus une, deux ou trois cabanes munies de poignées de câbles et qui seraient les quartiers de l’équipage. Un toit de madriers reposant sur des piliers rudimentaires formait l’abri de cuisine.

 

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Le 19 août 1885, un radeau passa devant Sorel sans s’arrêter. Un deuxième train de bois venait derrière. C’était une fin d’après-midi. Le temps avait été couvert tout le jour, mais le soleil était enfin parvenu à se glisser sous les nuages à l’horizon. Il ne fallait pas se méprendre : cela présageait du mauvais temps pour le lendemain.

 

Tandis que le premier radeau s’engageait dans la section du chenal qui s’ouvre, bien droite et large, entre le port de Sorel et l’île de Grâce, une intense agitation régnait sur le second.

 

- Mouillez les avirons de babord, mouillez-les ! Vous m’entendez ?

 

Les hommes se regardaient comme si on venait de leur parler en latin. Le patron fonça sur eux. Il enjambait les ancres, les outils et les piles de bois qui encombraient le pont. Les trois rameurs de babord, qui seraient cachés derrière leur instrument s’ils avaient pu, s’arc-boutèrent à leurs longs avirons. Le patron se retourna.

 

- Vous autres aussi, à tribord.

 

Il y avait de ce côté huit hommes qui se tenaient comme des gens qui n’ont rien d’autre à faire que de regarder passer le vent; deux ou trois d’entre eux bourraient outrageusement leur pipe. Le patron les rejoignit.

 

- Vous autres aussi, aux avirons !

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Le Canard de bois évoquait le destin tragique de Hyacinthe Bellerose, un homme simple que son sens de la justice devait entraîner, en 1837, dans la première révolte des Français du Canada contre les conquérants anglais. Le roman se termine sur l’exil en Australie de ce héros malgré lui.

La Corne de brume montre l’entreprise désespérée de Tim Bellerose, le fils de Hyacinthe, pour arracher aux Anglais une part du commerce du bois canadien. Tim meurt noyé, en 1885, dans une tempête où son emportement l’a précipité.

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Zone de Texte: Les premiers paragraphes du roman

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