À douze ans, on commence à travailler à la ferme. Mon père veut que nos mains soient aussi habiles que notre tête.

 

Jan ferma très fort et Mme Grabska entendit Mme Pawulska, leur mère, interrompre un morceau de piano, certainement pour réprimander son fils.

Élisabeth posa sa serviette et alla embrasser sa mère.

 

- Vous avez eu une belle journée ?

- Comme toutes les dernières journées de classe. Les ursulines riaient plus que d’habitude et les filles parlaient de leurs projets de vacances.

 

Zofia regarda sa fille. Elle serra les lèvres, incrédule devant les onze ans qu’Élisabeth portait avec une maturité et une élégance que ses jeunes amies lui enviaient. Elle et Tomasz, son mari, ne cessaient de remercier le ciel de leur avoir donné trois enfants aussi attachants. Zofia passa une main sur le front d’Élisabeth pour repousser une mèche blonde accrochée aux sourcils et tenta de la faire tenir derrière l’oreille. Elle lui demanda ensuite de vider son cartable et de jeter tous les papiers inutiles.

 

- Peux-tu demander à ton frère de venir me saluer? J’ai l’impression qu’il a oublié.

 

Élisabeth frappa à la porte de la chambre de Jan et entra sans attendre sa permission. Son frère était installé sur son lit, occupé à regarder les pages d’un herbier. Élisabeth s’assit à ses côtés. 

     

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- Élisabeth, attends-moi !

Jan avait aperçu sa sœur à l’intersection des rues Nicolas et Sainte-Croix. Il lui fit un signe de la main et, un cartable lourd pendant au bout du bras, il la rejoignit en courant et sautillant de plaisir. Elle le regarda venir.

 

- L’école est finie ! L’école est finie, Élisabeth ! J’ai plein de projets pour l’été.

 

Ils étaient rendus devant la maison et ils montèrent l’escalier jusqu’au premier. Mme Grabska, la concierge, balayait le palier et elle gronda gentiment Jan d’avoir marché dans les poussières.

 

- Mais qu’est-ce qui vous arrive aujourd’hui? - L’école est finie ! Et demain c’est le 24 juin, la fête de mon saint patron, et mon frère Jerzy va prendre le train pour aller à Wezerow. Jan avait parlé si vite que Mme Grabska, agacée, ne s’était même pas donné la peine de le faire répéter. Elle savait que depuis cinq ans, depuis qu’il avait eu douze ans, Jerzy vivait ses étés à la campagne. Elle regarda Élisabeth pénétrer chez elle et fit un signe réprobateur à Jan qui ne cessait de bousculer sa sœur pour la presser. Il allait disparaître quand il ressortit la tête par l’embrasure pour dire à Mme Grabska que, dans deux ans, lui-même irait à la campagne pour tout l’été.     

Zone de Texte: Le plaisir de lire

À douze ans, ARLETTE COUSTURE est transplantée, pour un temps, de son Québec des années 50 au Manitoba, patrie d’origine de la branche paternelle de sa famille. Elle y fréquente l’école où elle côtoie quotidiennement des garçons et des filles des Polonais, des Ukrainiens, des métis, des anglophones, des francophones, des catholiques et des protestants. Quel choc ! Déjà, lorsqu’elle écrivait Les Filles de Caleb, Arlette Cousture rêvait d’un roman qui mettrait en scène des immigrants. CES ENFANTS D’AILLEURS sont nés. 

Zone de Texte: Romans du Québec
Zone de Texte: Les premiers paragraphes du roman

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