Quelqu’un avait sans doute emporté les meubles, à moins que l’aménagement de l’appartement ne fût pas encore terminé. Le vestibule sonnait creux sous l’ongle telle une crypte.
À peine entré dans le petit salon, encombré de meubles et de bibelots, la couleur éclatante qui vivait là en sourdine se mettait à vibrer de nouveau. L’or et le rouge se renvoyaient l’un à l’autre des lueurs crues.
Les rideaux cramoisis, brochés d’or, étaient retenus par des embrasses également dorées. Deux petits sofas en acajou, recouverts de tissu fleuri, se faisaient face. Tandis qu’une ribambelle de sièges frêles, au formes contournées, aux dossiers incommodes, étaient disposés, de-ci, de-là, comme pour une réception. Sur un socle, un buste de plâtre représentait une créature sévère, ni homme ni femme, l’air absent. Sur le mur, des panneaux de bois, d’un blanc crémeux, aux fines moulures dorées, pareilles à des broderies anciennes. La large cheminée avait un dessus de marbre blanc, veiné de noir. Au centre de la cheminée un bronze représentait Orphée jouant de la lyre, au milieu des bêtes sauvages, pâmées. Une glace, un peu piquée, encadrée d’or, reflétait la pièce en son entier. Une table ronde, recouverte d’un tapis à franges traînant jusque par terre, des coussins de velours uni, des poufs à cordelière et à glands, une plante d’un vert gris, dans une étrange jardinière en paille d’un ocre violent.
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L’immeuble de trois étages dressait ses moulures de pierre, ses ornements outrés, sa blancheur originelle et crayeuse étrangement conservée. Quelques maisons, comme endormies, des arbres, des jardins secrets. Une sorte d’enclave oubliée, au cœur de la ville, non loin du Bois.
On avait accès au numéro six de la villa par une large porte de bois sculpté. Au-dessus de la porte, parmi les volutes de pierre, une tête de femme à la chevelure défaite.
Le hall spacieux respirait l’ancien et le vide, un peu comme une gare désaffectée. Au bout d’un moment l’ascenseur retenait toute notre attention. Un délire de fer forgé et de verre dépoli. Rosaces et liserons, feuillages, guirlandes et torsades. Bientôt on avait les yeux brouillés et la tête qui tournait.
Dans un craquement de bateau en perdition, l’ascenseur se mettait en marche.
L’appartement se trouvait au troisième étage et donnait sur un jardin fort négligé. La clef tournait dans la serrure avec un bruit rouillé.
Dès l’entrée, on était saisi par le silence qui régnait dans le vestibule. Sur les murs, un papier à rayures vertes finissait par donner le vertige, par manque de meuble et par absence de toute signe de vie. |
Bernard et Christine vont se marier. Un couple de jeunes gens d’aujourd’hui, un mariage d’aujourd’hui, un bonheur apparemment sans histoires. Mais, dans le métro parisien, Bernard rencontre Héloïse. Dès lors, son existence dérive vers un autre univers, vers un autre temps, loin du monde ordinaire. Au bout de cette dérive, Bernard trouvera-t-il l’accomplissement de sa mort? |
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