Je suis arrivée dans la région il y a un mois, alors que je me promenais à vélo et dormais sous la tente. J’étais assise dans un restaurant quand j’ai aperçu en face de moi, au mur, une toile, œuvre d’un peintre local, qui représentait une petite maison, perchée sur une colline, au milieu des neiges radieuses. Et j’ai voulu cette maison, je l’ai désirée de toutes mes forces. Une semaine plus tard, je la trouvais.

 

Je partirais, je quitterais Montréal, j’aurais une maison au bord de l’eau. L’hiver, par les jours de tempête, j’écrirais des poèmes qui ressembleraient à ceux des anciennes poétesses : « ô dons longtemps pesés du seul or paisible…/ rien ne ride l’eau vaste de l’avant-soir. » Je lirais Shakespeare, j’apprendrais comment apprivoiser les esprits des bois. Je ne les craindrais pas. Je finirais mes jours dans cette paix. Je fréquenterais le soir des étangs brumeux, plein de joncs, j’apprendrais les noms des fleurs et des oiseaux. « On joue aux cartes au fond de l’étang. »

 

Quitter Montréal, partir, Montréal est un scandale en son cœur surchauffé. Je vivais depuis longtemps au centre de la fournaise, au noyau de la bombe, là où les atomes pressurés explosent quotidiennement. Je n’en pouvais plus, c’était ma propre vie qui étouffait maintenant et représentait  un scandale au centre de l’hystérie montréalaise.

          

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Suspendues à une corde à linge, de l’autre côté du lac, deux serviettes orange évoquaient en se réfléchissant dans l’eau d’énigmatiques fenêtres rouges. Une barque parut s’y enfoncer, en glissant lentement sur la nappe liquide à l’endroit où ces fenêtres s’ouvraient. La lumière du soir estompait le contour des choses ; là-bas, la forêt se confondait avec son reflet. J’étais étendue sur le quai. Le soleil couchant fendait l’eau, comme le glaive onduleux d’un mage. Je rêvais de passer ici le reste de mes jours.

 

J’attendais la pénombre. Quand la nuit serait venue, j’irais me promener dans les bois afin de prendre possession de la forêt. Je m’étais habituée à cette promenade, sur des chemins de terre boueux éclairés par la lune. Je n’avais pas peur.

 

L’âme du lac, c’était l’émotion tendre, l’amour naïf évoqué par les chaloupes au loin, le cœur qui bat soudain. Pure transparence, voiles, déjà la montagne est envahie par la brume. Des réseaux de filaments aux branches de sapins font penser aux cheveux d’ange des arbres de Noël.

 

Ces rivages sont hantés par les vampires et les lutins, les sylphes et les fées. La nuit dernière l’un de ces succubes m’est apparu pendant mon sommeil. Tout en se mirant dans une psyché, il m’a demandé comment j’avais fait pour me rendre  jusqu’ici. Je lui ai répondu que c’était un miracle, en effet.     

Zone de Texte: Le plaisir de lire

Les histoires d’amour commencent toujours au moment où s’y attend le moins. Une femme s’installe dans une jolie maison au bord d’un lac brumeux en espérant y passer le reste de ses jours dans la solitude et la paix. Elle y fait d’abord la connaissance d’un homme bizarre, charmant et rêveur, qui interviendra dans sa vie comme un messager vif-argent venu lui annoncer destinée pleine de surprises.

Puis elle est happée par un nouveau venu qui l’arrache à sa maison et à ses amis pour l’entraîner dans une longue dérive , de chambre d’hôtel en chambre d’hôtel, de Montréal à Paris, de Venise à Lerici, de Tellaro à Boston...

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