« Don ? Ned Allen à l’appareil.

- Ah, ça tombe mal, Ned, avait-il nasillé avec son accent banlieusard à couper au couteau. Je partais, là.

- Alors je vais aller droit au but.

- Non je vous dis que je suis à la bourre…

- Don, vous savez qu’à 95 000 la double page en fin de magazine on est encore trente pour cent moins cher que les concurrents, n’est-ce pas?

- Ouais, ouais, ouais, je sais. Mas leurs ventes sont trente-cinq pour cent supérieurs aux vôtres, aussi.

- Si vous croyez leurs chiffres, oui ! Vous n’avez vu le dernier office de ventes qu’ABC a publié ? Pendant trois mois de suite, on a progressé de sept pour cent, nous.

- N’empêche qu’ils en sont encore à un million deux et vous à sept cent quatre-vingt mille. Quand il s’agit de mon argent, ça fait toujours une différence de taille.

- Écoutez, Don, vous savez aussi bien que moi qu’en termes de marketing ciblé, des chiffres pareils, ça ne signifie rien. Nada ! Un million deux, et alors quoi ? Pour un produit haut de gamme contre votre SatPad DL, vous avez besoin de la tranche de marché à laquelle nous nous adressons, nous ! Tandis qu’avec eux vous atteindrez qui ? La clientèle des grandes surfaces de seconde zone, point ! D’accord, d’accord, ils ont les chiffres pour eux,  mai euh, les Chinois aussi, non ? Un milliard de gus, qu’ils sont. Manque de pot, là-dedans, il y en a à peine mille qui peuvent se payer plus qu’un bol de riz par jour. Ici, c’est du pareil au même. »

Don Dowling avait poussé un long soupir avant de remarquer. Ned ? Ce numéro des Chinois, vous me l’avez déjà fait le mois dernier, dites !

- Et le mois dernier, vous n’auriez pas mordu. Tandis que maintenant on est en affaires, vous et moi. Une double page, eh, c’est pas un beau début pour un liaison, ça ?

- Quelle liaison ? Combien de fois faut-il que je vous le répète ? Entre nous, c’est pas un liaison, Un petit coup vite fait, au plus.

- Je sais, je sais ! Mais n’importe quelle liaison, ça commence par une passade d’une nuit, non ? Vous emballez la fille, vous arrivez enfin à l’emmener au lit et paf, avant que vous ayez dit ouf, on est à causer amour et mariage. Et quand vous aurez vu les résultats que vous allez obtenir avec votre encart chez nous… 

                 

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Les affaires ont été bonnes, aujourd’hui. J’ai misé, attaqué, contré, jacté. Et j’ai « conclu ».

 

À sept heures du soir, avant de jeter l’éponge pour la journée, j’ai suivi un petit conseil que m’avait donné mon premier patron, jadis: dresser la liste de ses principales réalisations au cours des dix dernières heures. Trois hauts faits ont été inscrits: un, avoir dealé une double page à Multi-Micro; deux, avoir finalement réussi à décrocher un rendez-vous avec le chef  du marketing de chez Icon vendredi prochain; et trois, le coup de fil, qu’Ivan Dolinsky, mon meilleur vendeur itinérant dans les trois États autour de New York, m’avait passé de Stamford pour m’annoncer, tout émoustillé, que GBS était sur le point de signer pour un gros cahier pub, contrat que je le pressais de réaliser depuis des semaines déjà.

 

Pas un mauvais jour, donc, et même un qui me rapprochait sacrément de mon objectif prioritaire, à savoir atteindre mon quota d’avril avec trois bons mois d’avance. Restaient les impondérables du métier, évidemment : par exemple, est-ce qu’Ed Fisher, le grand manitou du marketing chez Icon, allait finalement se rendre à mon baratin et daigner commencer à me refiler des marchés conséquents ? Est-ce qu’Ivan serait vraiment capable d’emballer cette vente de GBS, ou s’agirait-il encore d’un de ses coups foireux? Car il en était à son troisième entre parenthèses, ce qui commençait à sérieusement m’inquiéter… Et  puis, il y avait cette histoire de la campagne de lancement pour le nouveau portable de chez AdTel, le SatPad DL: quand leur gros bonnet de la pub, Don Dowling, m’avait annoncé qu’il était partant seulement pour un encart, la déception n’avait pas été mince pour moi. D’autant plus que la plupart de nos conversations téléphoniques s’étaient résumées à mes efforts pour le cajoler, le rassurer, lui dorer la pilule en vue d’un budget bien plus important.         

Zone de Texte: Le plaisir de lire
Zone de Texte: Premiers paragraphes

Responsable de la vente d’espaces publicitaires chez CompuWorld, magazine informatique, Ned Allen est un vendeur hors pair. Opiniâtre, fin négociateur, subissant des pressions insupportables, il vit à cent à l’heure et carbure à l’adrénaline. Fusions, restructurations… Le voici viré sans ménagement. Un coup de poing malheureux provoque sa descente aux enfers. Il est rayé de sa profession. Lorsque sa femme le quitte, il touche le fond. Un copain de fac lui propose un job ? Ce miracle est une damnation qui l’embarque en enfer où meurtres, corruption et blanchiments d’argent sont monnaie courante. Un engrenage infernal raconté avec une extrême efficacité par un conteur à l’humour décapant, doublé d’une satire féroce d’une Amérique sans pitié !          

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