Mais cet amour qui n’est pas illusoire, je peux le toucher comme je prends à mains pleine la chevelure de Juliette (la mienne que je n’ai plus) si foisonnante et si longue, châtaine avec des vaines claires et l’air marin la gonfle. Ah ! Ce reflet soudain sur moi projeté, car il s’agit d’un véritable amour, un amour de la mer, et sa réalité me bouleverse.

 

Cette nuit j’ai contemplé le visage de Juliette si fermement épanoui, si grave dans ce bonheur nouveau. Elle dort mal, elle ne mange pas. Mais cette Juliette me devient si proche que je refuse de pleurer de ne l’être plus. La voici qui dénoue les cordons de ses espadrilles aux grosses semelles tressées (Romano se jette à la mer, elle et moi le fixons du regard) et, l’émotion lui faisant baisser la tête, il n’y a plus que son nez, le scintillement acajou de ses yeux au travers des mèches et, si la chance est pour toi, Romano, son sourire ! Il disparaît, remonte à la surface, nage en éclaboussant le soleil. Et je ne pleurerai pas de n’être plus jeune, car je le suis en elle.

 

Des amis nous amenèrent dans cette ville au nom contourné de coquille, puis nous quittèrent. D’abord nous fûmes déçues : la plage piquetée de bois blancs comme un cimetière et les places remplies de foules. Mais au bout de chaque rue de Caorle vibre l’éventail bien ouvert de la mer ou de la campagne.         

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Cet amour (un reflet sur moi, un amour qui n’est pas pour moi…) il a surgi d’un monde en gésine. Les pêcheurs, debout dans la barque, avancent lentement sur la mer.

Il eut un commencement (que je fasse un effort de mémoire) l’eau et le sable se mêlaient encore qu’il naissait. Maintenant la terre et la mer se séparent et rien n’est fini.

 

Elle est couchée en douce robe éponge sur la plage et Roméo, à quelques mètre d’elle, feint dormir, replié sur lui-même dans une couverture rayée (seule dépasse la nuque aussi noire que les cheveux) car l’Adriatique se confond avec les nues et ils ont besoin de songer à leur amour.

 

Je suis assise entre eux sur une chaise longue. Ils ne se sont pas dit bonjour, ils s’ignoreront de gestes et de paroles en ma présence. Mais il s’est tourné vers le levant et toujours recroquevillé il adore.

 

C’est le commencement du jour et le quatrième jour. Je vois qu’il la regarde, je sens combien il l’aime. Et cette offrande qui est pour elle, je la reçois aussi. Sombres, secrets, ils attendent l’heure où ils partiront sur les chevaux qu’on loue pour je ne sais quelles retraites, boqueteaux et prairies.

 

L’immense roue de soleil se lève à l’horizon de la mer et sur lui glisse la machinerie des brouillards. Les lignes du monde se reperdent et nous, au bord de la lagune assistons au double mystère.        

Zone de Texte: Le plaisir de lire

Une mère, attendrie et blessée à la fois, devient le témoin des premières amours de sa fille Juliette ; Helena tente de vivre avec un homme-enfant de vingt ans son cadet une impossible passion ; un billet doux tombé de la poche de son mari remet en question l’équilibre de Blanca… Autant de femme dont la quête de l’absolu se heurte sans cesse à une réalité décevante, dépourvue de rêve, de liberté, de sensualité, que Corinna Bille vit comme un univers exclusivement masculin. Son sujet de prédilection se révèle être l’amour, un amour fantasmatique.

Zone de Texte: Les premiers paragraphes d’une nouvelle
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