- Et vos bombes anti-insectes ? demanda maman en s’engageant dans le petit sentier qui menait à la piste.

 

- Moi, j’ai la mienne ! pépia Trisha.

Elle n’en était pas si sûre que ça, mais elle n’avait aucune envie de s’arrêter et de présenter son dos à maman afin qu’elle inspecte son sac. Si elle l’avait fait, Pete aurait repris sa litanie à tous les coups. Par contre, s’ils continuaient à marcher, il y avait des chances qu’il aperçoive quelque chose qui, à défaut de l’intriguer vraiment, suffirait peut-être à détourner son attention. Un raton laveur, un chevreuil. Ou même un dinosaure, tiens. Avec un dinosaure, l’effet aurait été garanti. Trisha pouffa de rire.

- Qu’est-ce qu’il y a de drôle ? lui demanda maman.

- Moi y en a penser, c’est tout, répondit Trisha.

       

 Le visage de Quilla se rembrunit. « Moi y en a penser c’était du Larry McFarland. Oh tu peux faire la gueule, se dit Trisha. Tu peux faire la gueule jusqu’à plus soif. J’ai beau ne pas me plaindre d’être avec toi comme l’autre vieux grincheux, c’est mon père et je l’aime toujours autant.

Comme pour le souligner, elle effleura du doigt le bord de sa casquette signée par Tom Gordon.

 

- Allez les enfants, en route, dit Quilla. Et regardez autour de vous, hein.

- Ça me fait suer, dit Pete d’une voix plaintive. C’était la première véritable parole qu’il prononçait depuis qu’ils étaient descendus de voiture. Trisha se mit à prier avec ferveur : Je vous en supplie, mon Dieu, envoyez-nous quelque chose. Un chevreuil, un dinosaure, un OVNI. Si Vous ne le faites pas, ils vont recommencer leur cirque. 

       

Page d’accueil         Autres pays   

Maman et Pete firent un trêve le temps de sortir les sacs à dos et le panier d’osier dont Quilla se servait pour herboriser, qu’ils avait entassés à l’arrière de la Dodge. Pete aida même Trisha à ajuster son sac comme il fallait, en remontant l’une des sangles d’un cran, et prise d’un absurde élan d’optimisme elle se dit que les choses allaient peut-être s’arranger.

 

- Vous avez pris vos ponchos, les enfants ? leur demanda maman en scrutant le ciel du regard.

 

 Il était bleu de ce côté, mais de gros nuages s’amoncelaient à l’ouest. De toute évidence, ils allaient avoir de la pluie, mais sans doute pas assez tôt pour que Pete puisse leur jouer la grande scène du trois en se plaignant d’être trempé jusqu’aux os. 

 

- Oui je l’ai, maman ! Pépia Trisha sur le ton du Oh-mon Dieu-un-autocuiseur-programmable-en inox !

Pete grommela quelque chose qui ressemblait à un oui.

 

- Et vos casse-croûte ?

Trisha répondit par l’affirmative, Pete par un autre grognement indistinct.

- Y a intérêt, parce que si vous vous imaginez que je vais partager le mien, vous risquez d’être déçus.

 

Après avoir verrouillé les portières de la Dodge, elle les guida à travers le parking en terre battue jusqu’à un panonceau fléché qui indiquait PISTE OUEST. Il y avait une dizaine d’autres véhicules dans le parking, mais en dehors du leur aucun n’avait une plaque du Maine.

Zone de Texte: Le plaisir de lire
Zone de Texte: Premiers paragraphes

Le monde a des dents, et quand l’envie le prend de mordre, il ne s’en prive pas. Trisha McFarland avait neuf ans lorsqu’elle s’en aperçut. Ce fut un matin, au début du mois de juin. À dix heures, elle était assise à l’arrière de la Dodge Caravan de sa mère, vêtue de son maillot d’entraînement bleu roi de l’équipe des Red Sox (avec 36 Gordon inscrit au dos), et jouait avec Mona, sa poupée. À onze heures, elle s’efforçait de ne pas céder à la panique, de ne pas se dire Je suis en danger, de chasser de sa tête l’idée que les gens qui se perdent dans la forêt s’en tirent quelquefois avec des graves blessures, que quelquefois même ils en meurent. »    

Autres pays

Retour à la page d’accueil