La nursery était juste en face. Jusqu’à la semaine précédente, nous avions gardé Josh âgé de quatre ans, Adam, qui avait fait des nuits complètes sitôt dépassé le seuil fatidique du mois et demi, ce gamin se révélait être un insomniaque chronique : refusant catégoriquement de dormir plus de deux heures d’affilée, il se réveillait chaque fois avec des cris perçants à travers lesquels il réclamait notre attention pleine et entière, sans équivoque possible, sur-le-champ. Dans l’intention de le faire taire huit bonnes heures, nous avions tout essayé : le garder éveillé le plus tard possible, le gaver de deux solides biberons pour décourager une fringale nocturne, lui administrer la dose maximale d’aspirine pour bébés prévue par la posologie. Aucun résultat. Alors, nous nous étions dit qu’il dormirait peut-être mieux tout seul et nous l’avions transféré dans la nursery. Peine perdue. Entre deux crises de hurlements, le répit n’excédait jamais trois heures. Et, pendant les vingt semaines de sa courte existence, il ne nous avait laissé aucune chance d’en profiter d’une vraie nuit de sommeil, ni à Beth ni à moi.

 

Ces derniers temps, il m’est arrivé de vouloir me convaincre que cet état d’épuisements continuel ainsi que nos nerfs en pelote étaient la cause principale de notre mésentente, discorde qui avait tourné au vinaigre deux jours auparavant lorsque, laissant échapper un venin longtemps accumulé, Beth m’avait traité de type complètement aigri. Comme je n’étais pas prêt à laisser passer de telles insanités, j’avais répliqué en lui annonçant que, pour moi, elle était une mégère de banlieue. En guise de rétribution, j’avais eu droit à quarante-huit heures de mutisme absolu. 

      

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Il était quatre heures du matin, je n’avais pas fermé l’œil depuis des semaines, et le bébé criait de nouveau.

 

Oh, il ne m’avait pas réveillé : quand ses piaillements ont repris, cela faisait déjà longtemps que j’avais les yeux rivés au plafond. Mais j’étais tellement hébété par le manque de sommeil que je me suis senti incapable de sortir du lit. Je suis donc resté là, immobile, tandis que Josh poussait ses tout jeunes poumons vers de nouveaux extrêmes.

 

Ses incessants glapissements ont fini par réveiller Beth. Dans un état semi-comateux, elle m’a envoyé un coup de coude et m’a adressé la parole pour la première fois depuis deux jours.

 

« Tu t’en occupes. »

 

Et elle a roulé sur le côté en plaquant l’oreiller sur sa tête.

 

J’ai obéi, tel un automate maladroit. Je me suis assis dans le lit, j’ai posé les pieds au sol, j’ai tendu la main vers la robe de chambre à rayures jetée sur une chaise, je l’ai enfilée sur mon pyjama assorti, j’ai serré la ceinture avec soin. Je suis allé à la porte, que j’ai ouverte. Ma journée avait commencé… Façon de parler, puisque en réalité, elle ne s’était jamais terminée.

 

        

Zone de Texte: Le plaisir de lire
Zone de Texte: Premiers paragraphes

Ben Bradford a réussi. La trentaine, avocat compétent, un beau poste dans l’un des plus grands cabinets de Wall Street, un salaire à l’avenant, une femme et deux fils tout droit sortis  d’un catalogue Gap. Sauf que cette vie, Ben la déteste. Il a toujours rêvé d’être photographe.

Quand il soupçonne que la froideur de son épouse est moins liée à la dépression postnatale qu’à une aventure extraconjugale, ses doutes reviennent en force, et avec eux la douloureuse impression de s’être fourvoyé.

Ses soupçons confirmés, un coup de folie meurtrier fait basculer son existence, l’amenant à endosser une nouvelle identité.   

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