D’abord je te baptiserai dans l’eau du fleuve Et je te donne un nom d’arbre très clair Je te donne mes yeux mes mains Je te donne mon souffle et ma parole Tu rêveras dans mes paumes ouvertes Tu chanteras dans mon corps fatigué Et l’aube et midi et la nuit très tendre Seront un champ où vivre est aimer et grandir
Je ne suis qu’un bloc de terre plein de racines J’apprendrai par tous les chemins Le temps me nommera
Je ne puis qu’étreindre mon cœur en pleine nuit O que sourde le premier visage de l’homme Et que j’entende son premier récit
Et c’est toute sa jeunesse qui éclate en sanglots Tout commence ici au ras de la terre Ici tout s’improvise à corps perdu
Je vois le monde entier dans un visage Je pèse dans un mot le poids du monde Je balise le premier jour de l’homme
Nommerai-je chaque visage Trouverai-je une seule parole J’ai pris mon élan sur la haute vague J’apprends sur terre le songe de dire
On a refait en moi le grand rêve de Dieu Je souffle sur le limon de mon flanc J’attache l’enfant à ma hanche Je tends les bras à ma famille En secret j’écoute bouger le nom nouveau Toute une forêt descend sur les rives Toute une récolte porte l’horizon Une cité naît au creux de ma main
Saurai-je la grandeur exacte de l’homme Un détail me promet la possession du monde Un sentier m’amène à la rencontre des hommes
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Ma langue est d’Amérique Je suis né dans ce paysage J’ai pris souffle dans le limon du fleuve Je suis la terre et je suis la parole Le soleil se lève à la plante de mes pieds Le soleil s’endort sous ma tête Mes bras sont deux océans le long de mon corps Le monde entier vient frapper à mes flancs
J’entends le monde battre dans mon sang |
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