RÉSIGNATION
Tout enfant, j’allais rêvant Ko-Hinnor, Somptuosité persane et papale Héliogabale et Sardanapale !
NEVERMORE
Souvenir, souvenir que me veux-tu? L’automne Faisait voler la grive à travers l’air atone, Et le soleil dardait un rayon monotone Sur le bois jaunissant où la bise détone.
APRÈS TROIS ANS
Ayant poussé la porte étroite qui chancelle, Je me suis promené dans le petit jardin Qu’éclairait doucement le soleil du matin, Pailletant chaque fleur d’une humide étincelle.
VŒU
Ah ! Les oaristys ! Les premières maîtresses ! L’or des cheveux, l’azur des yeux, la fleur des chairs, Et puis, parmi l’odeur des corps jeunes et chers, La spontanéité craintive des caresses !
LASSITUDE
De la douceur, de la douceur, de la douceur ! Calme un peu ces transports fébriles, ma charmante. Même au fort du déduit parfois, vois-tu, l’amante Doit avoir l’abandon paisible de la sœur.
MON RÊVE FAMILIER
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant D’une femme inconnue, et que j’aime et qui m’aime Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
À UNE FEMME
À vous ces vers, de par la grâce consolante De vos grands yeux où rit et pleure un rêve doux, De par votre âme pure et toute bonne, à vous Ces vers du fond de ma détresse violente.
L’ANGOISSE
Nature, rien de toi ne m’émeut, ni les champs Nourriciers, ni l’écho vermeil des pastorales Siciliennes, ni les pompes aurorales Ni la solennité dolente des couchants.
CROQUIS PARISIEN
La lune plaquait ses teintes de zinc Par angles obtus. Des bouts de fumée en forme de cinq Sortaient drus et noirs des hauts toits pointus.
CAUCHEMAR
J’ai vu passer dans mon rêve - Tel l’ouragan sur la grève, - D’une main tenant un glaive Et de l’autre un sablier, Ce cavalier
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Les poèmes saturniens parurent en 1866. C’est le premier recueil de Paul Verlaine (1840-1896). Il les aurait écrits à l’âge de 16 ans, précédant, dans l’inspiration et le lyrisme Rimbaud, qui sera son ami et démon. On y trouve déjà tout ce que fera la fameuse « musique verlainienne », légère et sentimentale, l’art de ciseler la mélancolie, voire la tristesse de l’amour et du bonheur jamais atteints. Qualités et ton que l’on retrouve dans les délicieuses et fragiles Fêtes galantes (1869), un autre chef-d’œuvre de celui qui sera, malgré la déchéance de l’alcool, |
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