Tous, ils sont venus, les notables, les dames des œuvres, la famille élargie, ceux qui, pendant des années ont bénéficié de la générosité dévouée de Gabrielle. Ces enfants de la basse-ville, habillés en soldats, qui inclinent la tête et pleurent sur le banc d’en arrière, ils sont tous là, y compris ces gens importants que Gabrielle essayait si fort de convaincre il y a quelques jours à peine de laisser son fils revenir sur sa décision de s’engager.

 

Ceux qui manquent sont soit déjà partis, soit au camp d’entraînement. Ce n’est qu’en remontant l’allée derrière le cercueil de sa mère qu’Adélaïde voit tous ces visages accablés et qu’elle pense à quel point Theodore sera déchiré de cette mort. Theodore qui a toujours eu une telle complicité avec Gabrielle. Et Gabrielle qui, après toutes ces années de discussions et de rire, se désolait de l’antagonisme qu’elle constatait entre Ted et sa fille aînée. Trop tard pour lui dire, pense Adélaïde trop tard pour expliquer, révéler. Trop tard pour tant de choses, y compris pour Theodore, parti se battre au loin. Pour ne plus y penser, pour éviter de se mettre à pleurer sans fin, Adélaïde lève les yeux vers le plafond orné de cette église où sa mère a tant prié. La gorge serrée, elle revoit la petite chapelle de la Vierge à la basilique, la chapelle où elles allaient pour discuter des « affaires graves », l’endroit véritable où Gabrielle parlait à Dieu.

 

Adélaïde se mord la lèvre inférieure pour ne pas hurler de rage : et où était-Il, Lui, sur la route obscure de Valcartier quand sa mère courait en cherchant de l’aide ? Où était-Il, ce Dieu tant respecté qui n’a pas daigné écarter un camion de la route pour une si fidèle alliée ?

            

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« Le 17 avril 1942, au lieu de se rassembler pour célébrer les quarante et un ans de Gabrielle, c’est pour ses funérailles que les invités remplissent l’église Saint-Cœur-de-Marie.

 

Adélaïde, droite et stoïque, tient la main d’Edward rendu absent de douleur et celle de Fabien, qui lutte vaillamment contre son chagrin.

 

Béatrice, à deux mois de son terme, est soutenue par Léopold, son mari, qui est blanc d’inquiétude devant la réaction très vive de sa femme. Tout près d’elle, Germaine a beau essayer de réconforter sa nièce d’une main affectueuse, elle doit à chaque fois presser un large mouchoir contre ses yeux et étouffer ses propres sanglots.

 

Nic, debout directement derrière Edward, soutient à la fois Rose et guillaume. Quoiqu’il n’ait que deux ans de moins que Rose, Guillaume la dépasse largement et il n’arrive pas à réprimer des soupirs encore étonnés. 

 

Florent tient Paulette par les épaules et parvient rarement à détacher son regard anxieux de la nuque raide d’Adélaïde.

 

Isabelle et Reine, côte à côte, s’appuient l’une sur l’autre. Maurice, le mari adoré d’Isabelle, s’occupe de Jérôme qui montre du doigt sa maman en demandant continuellement pourquoi elle a du chagrin. Élise, leur petite fille d’à peine un an, a été confiée aux soins d’une gardienne afin de ne pas déranger l’office.

 

Jean-René, le mari de Reine, se tient près de son beau-père, Hubert. On les dirait faits du même bois tous les deux, et leur attitude froide et compassée fait contraste avec la figure défaite de Georgina.

Zone de Texte: Le plaisir de lire

Avril 1942. Où seront-ils tous quand cette guerre prendra fin ? Comment seront-ils passés au travers, à quel prix ? Où seront les enfants de Gabrielle et Edward : Adélaïde, la sauvage attachante, Fabien, Béatrice, Rose et Guillaume ? Où seront Florent, Nic, Kitty et Theodore ? Qu’est-ce qui restera de ce monde à jamais bouleversé ? Qui aura gagné ou perdu ? Hitler semble si fort et les combats si vains…

La fureur qui parcourt ce deuxième volet de la grande trilogie du « Goût du bonheur » n’est pas seulement celle des nations qui se lancent l’une contre l’autre, c’est aussi celle du désir.

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Zone de Texte: Les premiers paragraphes du roman

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