droit, et dans son état présent il ne parvenait pas à se mettre dans cette position. Il avait beau se projeter vers la droite avec toute son énergie, à chaque fois il basculait en arrière, sur le dos. Il essaya peut-être cent fois, en fermant les yeux pour ne pas être obligé de voir le frétillement des pattes, et il ne s’arrêta qu’au moment où soudain il se sentit au flanc une douleur inconnue, légère et sourde. « Mon Dieu ! » pensa-t-il, « quel métier éprouvant ai-je choisi! Tous les jours en voyage, tous les jours. Les contrariétés professionnelles sont beaucoup plus fortes qu’en travaillant sur place au magasin, avec en plus cette corvée des voyages qui m’est imposée, avec les soucis des correspondances pour le train, la mauvaise nourriture sans horaires réguliers, les relations instables avec les gens, toujours interrompues et qui ne deviennent jamais cordiales. Que le diable emporte tout cela ! » Il se sentit une légère démangeaison au dos, du montant du lit, afin de pouvoir mieux soulever la tête; trouva l’endroit qui le démangeait, tout rempli de minuscules points blancs qu’il ne sut pas s’expliquer; il voulut tâter l’endroit avec une patte, mais la retira aussitôt, car à ce contact des frissons glacés l’enveloppèrent.

 

Il glissa de nouveau dans sa position d’avant. « Se lever tôt comme ça, » pensa-t-il, « cela vous abrutit complètement. L’homme a besoin de sommeil. Et certains voyageurs vivent comme des femmes du harem! Quand il m’arrive de retourner à l’hôtel dans le courant de la matinée pour inscrire les commandes que j’ai décrochées, ces messieurs sont encore assis à prendre le petit déjeuner. Je n’aurais qu’à essayer de faire ça avec mon patron, et je serais balancé sur-le-champ. D’ailleurs qui sait si cela ne serait pas très bon pour moi… Si je ne me retenais pas à cause de mes parents, j’aurais démissionné depuis longtemps; je serais allé voir le patron et je lui aurais dit le fond de ma pensée, à cœur ouvert.

 

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Lorsque Gregor Samsa s’éveilla un matin, au sortir de ses rêves agités, il se trouva dans son lit métamorphosé en un monstrueux insecte. Il reposait sur son dos qui était dur comme une cuirasse, et, en soulevant un peu la tête, il apercevait son ventre bombé, brun, divisé par des arceaux rigides, au sommet duquel la couverture du lit, sur le point de dégringoler tout à fait, ne se maintenait que d’extrême justesse. D’impuissance, ses nombreuses pattes, d’une minceur pitoyable par rapport au volume du reste, papillonnèrent devant ses yeux.

 

« Qu’est-il advenu de moi? » pensa-t-il. Ce n’était pas un rêve. Sa chambre, une vraie chambre humaine quoiqu’un peu trop petite, était là, paisible entre les quatre murs familiers. Au-dessus de la table, sur laquelle se trouvait déballée une collection d’échantillons de tissus– Samsa était voyageur de commerce -, était accrochée la gravure qu’il avait découpée peu auparavant dans une revue illustrée, et placée dans un joli cadre doré. Cela représentait une dame portant une toque et un boa de fourrure, assise bien droite, qui tenait vers le spectateur un volumineux manchon de fourrure où tout son avant-bras disparaissait.

 

Le regard de Gregor se tourna ensuite vers la fenêtre, et le temps maussade– on entendait les gouttes de pluie marteler le zinc de la fenêtre– le rendit tout mélancolique. « Est-ce que je ne ferais pas mieux de dormir encore un peu et d’oublier toute cette bouffonnerie? » pensa-t-il. Mais c’était tout à fait irréalisable, car il avait l’habitude de dormir sur le côté

Zone de Texte: Le plaisir de lire
Zone de Texte: Premiers paragraphes

« Lorsque Gregor Samsa s’éveilla un matin, au sortir de rêves agités, il se trouva dans son lit métamorphosé en un monstrueux insecte. Il reposait sur son dos qui était dur comme une cuirasse, et, en soulevant un peu la tête, il apercevait son ventre bombé, brun, divisé par des arceaux rigides, au sommet duquel la couverture du lit, sur le point de dégringoler tout à fait, ne se maintenait que d’extrême justesse. D’impuissance, ses nombreuses pattes, d’une minceur pitoyable par rapport au volume du reste, papillonnèrent devant ses yeux.

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