Et le Danube déversait dans la mer ses eaux grasses et nourrissantes.

 

Un cœur de pierre blessé par les séismes et les coups de grisou– ses infarctus— battait dans les entrailles de ce continent.

 

Cette mer Noire, amalgame de subtilités et de souillures, se voyait humaine en son miroir. Et sur les fonds vierges, des forêts de goémons ondulaient comme une chevelure. Quelque chose– ou quelqu’un? - de beau, de fort, voulait naître en ce lieu: telles furent mes croyances d’enfant. Puis j’allais au lit comme les bagnards, en d’autres époques, allaient aux enfers. Je rêvais de renaître au milieu des jardins profonds de la mer, mais chaque matin j’ouvrais l’œil sur mon plafond sans étoiles; j’ai grandi, chaque jour un peu moins fier, un peu plus homme.

 

À quoi bon rêver? Rien ne nous obéit…

 

Hier encore je pensais: « Quel enfant suis-je?  Qu’est-ce que je vaux? Quel homme deviendrai-je pour habiter tous ces jours qui viennent? » Je suis le fils de ces inquiétudes qui me survivront. Serai-je damné, moi qui ne désire rien engendrer? Quelqu’un me tuera, je le sais. Et je risque un oracle: si tel est mon destin, son agent sera une femme blanche, immaculée. Mais la haine ne gouverna pas— je mourrai d’une blessure d’amour, dans le théâtre des vengeances passionnelles. L’amour déçu n’est pas la haine comblée; mon honneur sera sauf, mais j’aurai semé tristesse et désolation. Me tiendrai-je debout au milieu des beautés ruinées? L’orgueil, muet témoin des holocaustes, me soutiendra-t-il?       

            

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MON DIEU, laisse-moi te confier ma peine.

Je me rappelle un jour de grande confusion: un autobus m’emportait vers l’ancienne Trébizonde, mais une douleur vive m’empêchait de regarder la mer Noire. J’avais pourtant rêvé de ses flots; je les avais tant forcés à m’apparaître en songes qu’une voix me disait, amère de les savoir si près: «C’est fini… Maintenant, l’éveil.»

 

La mer Noire… J’ai égrené mes nuits à l’évoquer, courbé sur les encyclopédies et les vieux atlas de mon père. J’imaginais ses teintes abricot à l’aurore, lie-de-vin à la tombée du soir. Les vents qui déboulaient du Caucase la ridaient comme l’oriflamme d’un palais immergé. Je humais ses parfums de mandarine et de thé mêlés à la pestilence des poissons hachés par les hélices des cuirassés. Je devinais la géomorphologie de ses rives comme si j’en avais été le colossal sculpteur. Je connaissais, de science infuse, l’humeur massacrante de l’écorce dans l’arrière-pays arménien hérissé de cathédrales disloquées. Les arêtes de la chaîne Pontique ornaient le littoral sud d’une gigantesque lame de sabre ébréchée. J’entrevoyais, derrière un éperon de la côte nord, le ventre de fer et les cheveux blonds de la Crimée. La poche d’eau de la mer d’Azov, en Ukraine, offrait ses grèves aux arrière-petits-enfants des tsars qui regardent sombrer les soleils en silence. Chargés de bruissements glanés dans l’orge et le seigle, des vent alcoolisés– haleine de Sébastopol et d’Odessa– finissaient sur l’onde leur nuit d’ivrognerie. Alités au fond des vallées, des fleuves charriaient l’eau de pluie des Carpates, le limon métallifère, et des rognures d’Europe. Le détroit de Bosphore puait comme une cloaque!

Zone de Texte: Le plaisir de lire

Un jeune garçon, véritable gourou pendant ses années scolaires, prend conscience du pouvoir qu’il exerce auprès de ses camarades de classe et du danger que ce pouvoir représente. Dix ans plus tard, un de ses anciens camarades lui écrit une lettre troublante. Celui-ci meurt de leucémie. À l’enterrement, il se fait remettre, par la mère du jeune garçon décédé, un gros cahier dans lequel ce dernier raconte sa vie et sa quête de la Révélation, jusqu’à sa rencontre avec Zara. C’est cette histoire, ce parcours initiatique que l’auteur nous livre, dans un style flamboyant et lyrique, où la métaphore traduit une grande érudition et un imaginaire poétique fécond.   

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Zone de Texte: Premiers paragraphes

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