de la carrière d’amateur d’opéra, il avait mentionné les succès de son jeune frère Guillaume, prodige du sport. Ô surprise! Dès qu’il fut question de prouesses sportives, la figure de Rita, jusque-là impassible devant des noms comme Thill et Caruso, s’était tendue d’intérêt. Plus réjoui d’avoir décroché l’attention de la jeune fille qu’humilié du peu d’importance qu’elle attachait à l’opéra, Ovide se mit à parler du tournoi d’anneaux de fer auquel Guillaume participait, et qui devait décider du championnat de la ville le soir même. «  Comment, c’est votre frère? Emmenez-moi à ce match, voulez-vous? s’était-elle écriée. Je connais bien l’arbitre… Stan Labrie, le fameux lanceur de baseball. »

 

Qu’importaient les anneaux et le baseball, puisqu’elle marcherait à son bras? Les grandes fortunes comme celle-là débordent leur homme. Mais leur halo de joie s’évaporant, elles décroissent et réintègrent les cadres de l’amour-propre, qui a tôt fait de les mettre à son diapason.

 

Ovide, la figure crispée par une mauvaise humeur soudaine, se dirigea enfin vers la maison paternelle. Il marmottait: - Toujours le sport, les athlètes, les champions. Partout ! Mais la musique!

 

Quelle vie! Le sport menaçait de garder Ovide prisonnier dans la médiocrité. À la maison on respectait ses goûts étranges, mais il  n’y était question que de championnats. Sa famille!  La mère Joséphine, Napoléon, l’aîné, Cécile, la vieille fille, et Guillaume!

  

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Été 1938.

- À ce soir, monsieur Ovide! Au championnat! Cheerio!

Rita Toulouse le salua de la main et rejoignit le groupe des jeunes filles qui se précipitaient vers l’autobus. La manufacture de chaussures était maintenant un bâtiment silencieux d’où s’échappaient les ouvriers en tumulte. Ovide Plouffe, le tailleur de cuir, ne participait pas à leur débandade tapageuse. Il restait cloué au trottoir dans l’attitude avantageuse d’un ténor d’opéra. Chétif, malingre, habillé comme un comptable, il n’avait pas l’air d’un ouvrier; mais sa prédilection pour l’opéra réussissait à lui donner l’apparence des héros de son imagination.

 

Il tenta de mettre de l’ordre dans sa bonne fortune insolite. « À ce soir, monsieur Ovide! » Incroyable! Rita Toulouse, blonde, jolie, bien tournée, faisait le relevé des chaussures taillées dans le département d’Ovide. À vingt-huit ans, le religieux Ovide n’avait jamais éprouvé un désir aussi impérieux de connaître les femmes, avec qui il s’était toujours senti désespérément maladroit. Mais, Rita Toulouse! Pour la convaincre de l’accompagner un soir, il avait vainement déployé  toutes ses ressources oratoires, énuméré les noms des grands chanteurs dont il possédait les disques. Elle s’excusait toujours poliment. Et voilà que, afin de rehausser le prestige de sa famille, du moins pour faire ressortir davantage la noblesse          

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Au Canada français, on s’appelle Plouffe comme en France on s’appelle Martin. Ainsi, donc, en 1938, dans le Vieux Quartier de Québec, vit une famille Plouffe comme les autres… non, pas tout à fait, tant elle est colorée, drôle, contrastée : Voici Théophile, le père, typographe et ancien champion cycliste, la soixantaine… Joséphine, bonne mère mais autoritaire et qui ne badine pas avec la religion… Plus trois fils et fille : Napoléon, plombier et timide avec les femmes; Ovide, ouvrier dans la chaussure mais qui ne rêve que d’opéra, Guillaume, Cécile...    

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Zone de Texte: Les premiers paragraphes du roman

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