C’ETAIT  L’AUTOMNE… ET LES FEUILLES TOMBAIENT TOUJOURS

 

L’ANGÉLUS sonnait, et l’enfant sur sa couche de douleur souffrait d’atroces maux; il avait à peine quinze ans, et les froids autans contribuaient beaucoup à empirer son mal.

 

RÊVE FANTASQUE

Les bruns chêneaux altiers traçaient dans le ciel triste,

D’un mouvement rythmique, un bien sombre contour;

Les beaux ifs langoureux, et l’yprau qui s’attriste

Ombrageaient les verts nids d’amour.

 

SILVIO CORELLI PLEURE

Je ne suis qu’un être chétif :

Tout jeune, m’a laissé ma mère;

Je vais errant et maladif:

Je n’ai pas d’amis sur la terre.

 

NUIT D’ ÉTÉ

Le violon, d’un chant très profond de tristesse,

Remplit la douce nuit, se mêle aux sons de cors,

Les sylphes vont pleurant comme une âme en détresse,

Et les cœurs des arbres ont des plaintes de morts.

 

LA CHANSON DE L’OUVRIÈRE

Les heurs crèvent comme une bombe;

À l’espoir notre jour qui tombe

Se mêle avec le confiant.

 

NOCTURNE

C’est l’heure solennelle et calme du silence,

L’Angélus a sonné notre prière à Dieu;

Le cœur croyant sommeille en un repos immense,

Noyé dans les parfums languissants du Saint-Lieu.

 

CŒURS BLASÉS

Leurs yeux se sont éteints dans la dernière Nuit;

Ils ont voulu la vie, ils ont cherché le Rêve

Pour leurs cœurs blasphémants d’où l’espoir toujours fuit.

Ils n’ont jamais trouvé la vraie et bonne sève.

 

MÉLODIE DE RUBINSTEIN

C’est comme l’écho d’un sacré concert

Qu’on entend soudain sans rien y comprendre;

Où l’âme se noie en hachich amer

Que fait la douleur impossible à rendre.

 

CHARLES BAUDELAIRE

Maître, il est beau ton Vers; ciseleur sans pareil,

Tu nous charmes toujours par ta grâce nouvelle,

Parnassien enchanteur du pays du soleil,

Notre langue frémit sous ta lyre si belle.

 

BÉATRICE 

D’abord j’ai contemplé dans le berceau de chêne

Un bébé tapageur qui ne pouvait dormir;

Puis vint la grande fille aux yeux couleur d’ébène,

Une brune enfant pâle insensible au plaisir.

 

QUELQU’UN PLEURE DANS LE SILENCE

Quelqu’un pleure dans le silence

Morne des nuits d’avril;

Quelqu’un pleure dans la somnolence

Longue de son exil;

Quelqu’un pleure sa douleur

Et c’est mon cœur !

 

 

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Émile Nelligan (1879-1941) est généralement reconnu comme l’un des plus grands poètes lyriques du Québec. Interrompue précocement, son œuvre connaît une popularité sans faille qui se renouvelle d’une génération à l’autre; on peut la lire ici au complet, d’après la version établie dans la grande édition critique publiée en 1991 par Réjean Robidoux et Paul Wyczynski.    

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