Ce mouvement a pour effet d’écarter les femmes de la gouverne d’un mari ou de celle d’un monastère dûment assujetti, comme il se doit, à un ordre masculin. Pitié, de voir l’errance qui s’ensuit ! Il faut un vase pour contenir l’eau, sinon elle se répand et se perd dans l’indétermination : « Indéterminée et indéfinissable est la femme non assujettie », disait le Philosophe. Et si l’indéterminé pénétrait le temps, pourrait-il aller jusqu’à détruire la Cité de paix, les uns l’espèrent pour l’an 1500, les autres plus nombreux l’attendent pour l’an 2000. Elle arrivera … À moins que la femme ne fasse tout basculer. Aujourd’hui, c’est la multitude des béguinages qui inquiète. Déjà, en 1250, Matthieu Paris écrivait : « En Allemagne est apparue une multitude innombrable de femmes célibataires qui s’appellent des béguines : un millier ou plus d’entre elles vivent rien qu’à Cologne. » Dix ans après, poursuit Matthieu Paris, les rêves apocalyptiques de l’abbé Joachim de Flore ont entraîné ces pauvres femmes, par essence innocentes et influençables, dans un délire pernicieux. Il apparaît que la peur de la fin du monde et de l’enfer, si par moments elle maintient les femmes dans l’obéissance de l’Église pour leur salut, produit chez elles des vapeurs dans leurs humeurs incertaines qui les font pivoter dans les ténèbres de Satan. Ces Ève délirantes vont ensuite affubler des hommes chancelants de leur lubricité incontrôlable, et la menace se répand comme une gale dans toute la chrétienté, au risque de faire échouer la trajectoire du temps dans une fosse encore plus profonde que celle dans laquelle nous a enfoncés notre première mère.
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En l’an mil trois cent-vingt-six, après un hiver particulièrement froid, je prends la plume et commence la rédaction de ces notes sans autre souci que de rapporter les faits dont j’ai été témoin. Dieu veuille me donner le courage de la vérité !
Sous les règnes successifs des papes Clément V et Jean XXII, la principauté ecclésiastique de Strasbourg fut envahie par un nombre considérable de béguinages. Il y en avait plus de quatre-vingt-cinq dans cette seule ville. Chaque béguinage forme un enclos groupant des maisonnettes où des femmes pieuses, mais dangereusement émancipées, tentent l’aventure des saints sur des pistes voisines des pestilentielles hérésies. Elles ne doivent obéissances qu’à la Grande Demoiselle, leur chef, qui ne répond qu’à elle-même. Au lieu de vœux, elles ne font que des promesses, simples déclarations d’intention. Elles se disent vierges, mais quelques-unes servent des prêtes de bas étage dont il faut déplorer l’état des mœurs. Elles vaquent à leurs occupations durant les heures du jour, et les portes de leur enceinte se ferment une heure avant le crépuscule. Qui peut alors vérifier ce qu’elles y font ? Les cérémonies, les préparations, les médicaments, les onguents pour les souffreteux, les égrotants qui transigent les plaies sur leur corps contre des ladres sur leur âme. Ces femmes attribuent leur fondation à sainte Begge, ce qui est imposture puisque celle-ci mourut en 694, plus de cinq siècles avant leur fondation. |
Le roman vrai d’un épisode de la vie de Maître Eckhart, ce grand théologien et mystique du XIVe siècle qui, en dépit de l’Inquisition menaçante, voulut défendre les pauvres et les femmes.
Jean Bédard se glisse dans la personnalité de Conrad de Halberstadt, qui fut le secrétaire de Maître Eckhart, pour conter, sur fond d’intrigues et de persécutions, de sang et de bûchers, la rencontre du provincial des dominicains de Saxe et de celle de qui deviendra sa fille spirituelle, l’étonnante Katrei, la béguine du « Libre Esprit », brûlée de foi et d’audace face à un monde d’intolérance. |
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