La meilleure photo d’Ambroise Fleury se trouve à l’entrée du musée. On le voit dans sa tenue de facteur rural, avec son képi, son uniforme, et ses gros godillots, sa sacoche de cuir sur le ventre, entre le cerf-volant d’une bête à bon Dieu et celui de Gambetta, dont le visage et le corps forment le ballon et la nacelle de son fameux envol pendant le siège de Paris. Il existe bien d’autres photos de celui qu’on avait surnommé pendant longtemps « le facteur timbré », ni de celle de « doux original », et s’il savait que les gens du pays l’appelaient ce « vieux fou de Fleury », il paraissait y voir beaucoup plu une marque d’estime que de mépris. Dans les années trente, lorsque la réputation de mon oncle commença à grandir, le patron du Clos Joli, Marcellin Duprat, eut l’idée de faire imprimer des cartes postales  qui représentaient mon tuteur en uniforme parmi ses cerfs-volants avec les mots : Cléry. Le célèbre facteur rural Ambroise Fleury et ses cerfs-volants. Ces cartes sont malheureusement toutes en noir et blanc et on n’y retrouve pas la gaieté des couleurs et formes, la bonhomie souriante et ce que j’appellerais les clins d’œil que le vieux Normand lançait dans le ciel.

 

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Le petit musée consacré aux œuvres d’Ambroise Fleury, à Cléry, n’est plus aujourd’hui qu’une attraction touristique mineure. La plupart des visiteurs s’y rendent après un déjeuner au Clos Joli, que tous les guides de France sont unanimes à célébrer comme un des hauts lieux du pays. Les guides signalent cependant l’existence du musée, avec la mention « vaut un détour ». On trouve dans ses cinq salles la plupart des œuvres de son oncle qui ont survécu à la guerre, à l’occupation, aux combats de la Libération et à toutes les vicissitudes et lassitudes que notre peuple a connues.

 

Quel que soit leur pays d’origine, tous les cerfs-volants sont nés de l’imagerie populaire, ce qui leur donne toujours un côté un peu naïf. Ceux d’Ambroise Fleury ne font pas exception à la règle ; même ses dernières pièces, faites dans sa vieillesse, ont gardé cette marque de fraîcheur d’âme et d’innocence. Malgré le peu d’intérêt qu’il suscite, et la modestie de la modestie de la subvention qu’il reçoit de la municipalité, le musée ne risque pas de fermer ses portes, il est trop lié à notre histoire, mais la plupart du temps ses salles sont vides, car nous vivons une époque où les Français cherchent plutôt à oublier qu’à se souvenir.                            

Zone de Texte: Le plaisir de lire

Pour Ludo le narrateur, l’unique amour de sa vie commence à l’âge de dix ans, en 1930, lorsqu’il aperçoit dans la forêt de sa Normandie natale la petite Lila Bronicka, aristocrate polonaise passant ses vacances avec ses parents. Depuis la mort des siens, le jeune garçon a pour tuteur son oncle Ambroise Fleury dit « le facteur timbré » parce qu’il fabrique de merveilleux cerfs-volants connus dans le monde entier. Doué de l’exceptionnelle mémoire « historique » de tous les siens, fidèle aux valeurs de « l’enseignement public obligatoire », le petit Normand n’oubliera jamais Lila. Il  essaie de s’en rendre digne, étudie, souffre  de jalousie à cause du bel Allemand Hans von Schwede, devient le secrétaire du comté Bronicki avant le départ de la famille en Pologne, où il les rejoint au mois de juin 1939, juste avant l’explosion de la Seconde Guerre mondiale qui l’oblige à rentrer en France.        

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