ouaté informe et surdimensionné puis sauta dans son jean en maintenant la taille en place d’une main, le temps d’ajuster la ceinture. L’an dernier, ce jean lui allait parfaitement mais, depuis, Fanny avait fondu. Il était presque deux tailles trop grand. Mille fois déjà, Luce avait pressé sa fille de s’acheter d’autres vêtements. Fanny refusait avec entêtement.
- Je suis bien dans mes vieilles affaires, répondait-elle avec défi. Là, au moins je me sens encore chez moi…
Maryse était bien lancée. - En lisant notre lettre, elle va penser que le prof de bio est pâmé sur elle. Ça va être tordant. Comme si le beau Gilles pouvait tomber amoureux d’une grosse vache comme la prof de maths ! Nous, on va s’amuser à l’épier pendant quelques jours. J’ai hâte de voir ça ! Je l’imagine déjà lui roulant des yeux doux à la café dans l’attente d’un geste ou d’une déclaration. Après ? Paf ! On lui envoie une lettre anonyme disant clairement qu’on s’est moqué d’elle. Elle va mourir de honte en découvrant que des élèves ont deviné son petit béguin… et s’en sont amusés. C’est pas beau ça ?
Pas de danger qu’elle se plaigne à la direction : ce serait bien trop humiliant ! Mylène applaudissait déjà les yeux brillants d’admiration.
- Génial ! dit-elle. Alexandre et Laurent rigolaient en savourant d’avance leur revanche sur Béatrice Michaud, la prof de maths. Ils la détestaient. Deux fois déjà elle leur avait collé une retenue pour travaux non faits. Autour du quatuor, une dizaine d’élèves n’osaient trop se prononcer. Le plan était bien pensé, les risques négligeables, mais…
- C’est méchant ! lança Fanny avec emportement. Qu’est-ce qui te prend de vouloir humilier quelqu’un comme ça ?
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Gabriel serra les mâchoires. Recroquevillé en position de départ, un genou presque collé au sol, il inspira plusieurs fois. Lentement, profondément. Le vent d’automne charriait encore des parfums de feuilles et de pommes. L’herbe était couverte de rosée. Au loin, des nuages bas s’effilochaient au-dessus des champs rasés. Soudain, sa jambe droite se détendit, puis l’autre. Il partit comme un boulet.
Gabriel avala le premier cent mètres avec bonheur et le deuxième presque sans effort. À l’amorce du troisième, près des bouleaux, il ressentit une baisse de tension, le premier signe d’amollissement. Il l’attendait. Alors, il se remémora des phrases, des scènes, et une révolte sourde gronda au plus profond de lui. Presque immédiatement, ses muscles se contractèrent. Le sang giclait furieusement dans ses veines. Une énergie féroce l’animait.
À cet instant même, Gabriel Vallée se sentait capable de repousser toutes les frontières, de défier les lois de la gravité. Un peu plus et il pourrait voler.
- Chercher un protecteur puissant, prendre un patron ? Non, merci.
Fanny haussa la voix, toute à la colère et à l’indignation de Cyrano. Au fil des mots, elle se sentait devenir immense, inébranlable.
- Se changer en bouffon ? Non, merci. Calculer, avoir peur, être blême. Préférer faire une visite qu’un poème ? Non, merci.
- Fanny ! Dépêche-toi ! Ton autobus passe dans dix minutes.
Fanny consulta sa montre. Au secours ! Elle referma son exemplaire de Cyrano de Bergerac d’un coup sec. Pendant que son pyjama atterrissait derrière le lit, elle enfila un chandail en coton |
Cachée derrière ses longs cheveux et perdue dans ses vêtements trop grand Fanny, 16 ans, essaie de s’adapter à sa nouvelle école. Mais la fille la plus dangereuse du collège l’a élue ennemie numéro un. Jour après jour, Fanny subit les assauts cruels de Maryse et sa bande. Elle garde la tête haute, mais la colère et le chagrin l’envahissent. Qui saura lui venir en aide ? Cyrano de Bergerac ? Le mystérieux Gabriel ? Si la verve et l’audace du personnage d’Edmond Rostand l’inspirent, les rêves pleins de passion du beau Gabriel la transportent. |
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