- Dieu peut tout. S’ Il se limitait à faire ce que nous appelons le Bien, nous ne pourrions pas le nommer Tout-Puissant ; Il dominerait seulement une partie de l’univers, et il y aurait quelqu’un de plus puissant que Lui qui surveillerait et jugerait Ses actions. En ce cas, j’adorerais ce quelqu’un plus puissant.

 

- S’ Il peut tout, pourquoi n’épargne-t-Il pas la souffrance à ceux qui L’aiment ? Pourquoi ne nous sauve-t-Il pas, au lieu de donner gloire et pouvoir à Ses ennemis ?

 

- Je l’ ignore, répondit le lévite. Mais il y a à cela une raison, et j’espère la connaître bientôt.

 

- Tu n’as pas de réponse à cette question.

 

- Non. »

 

Il restèrent tous deux silencieux. Élie avait des sueurs froides.

 

« Tu as peur, mais moi j’ai accepté mon destin, commenta le lévite. Je vais sortir et me mettre à  cette agonie. Chaque fois que j’entends un cri là-dehors, je souffre en imaginant ce qui se passera lorsque mon heure viendra. Depuis que nous sommes enfermés ici, je suis mort une bonne centaine de fois, et j’aurais pu mourir une seule fois. Puisque je vais être égorgé, que ce soit le plus vite possible. »

 

Il avait raison. Élie avait entendu les mêmes cris et il avait déjà souffert au-delà de sa capacité de résistance.

 

« Je t’accompagne. Je suis fatigué de lutter pour quelques heures de vie supplémentaires. » Il se leva et ouvrit la porte de l’étable, laissant la lumière du soleil révéler la présence des deux hommes qui y étaient cachés.

 

Le lévite le prit par le bras et ils se mirent en marche. À l’exception de quelques cris, on aurait dit un jour normal dans une cité pareille à n’importe quelle autre— un soleil pas trop brûlant, la brise venant de l’océan au loin, rendant la température agréable, les rues poussiéreuses, les maisons faites d’argile mélangée à de la paille. « Nos âmes sont prisonnières de la terreur de la mort, et c’est une belle journée, dit le lévite. Bien souvent, alors que je me sentais en paix avec Dieu et avec le monde, la chaleur était insupportable, le vent du désert emplissait mes yeux de sable et ne me laissant pas voir à deux pas. Le plan de Dieu ne correspond pas toujours à ce que nous sommes ou sentons ; mais je suis certain qu’ Il a une raison pour tout cela.

 

- J’admire ta foi. »            

 

                     

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« J’AI SERVI UN SEIGNEUR QUI MAINTENANT M’ABANdonne aux mains de mes ennemis, dit Élie. — Dieu est Dieu, répondit le lévite. Il n’a pas expliqué à Moïse s’Il était bon ou mauvais, Il a seulement affirmé : Je suis. Il est tout ce qui existe sous le soleil – le tonnerre qui détruit la maison, et la main de l’homme qui la reconstruit. »

 

La conversation était la seule manière d’éloigner la peur; d’un moment à l’autre, les soldats allaient ouvrir la porte de l’étable, les découvrir et leur proposer le seul choix possible : adorer Baal, le dieu phénicien, ou être exécutés. Ils fouillaient maison après maison, convertissant ou exécutant les prophètes.

 

Le lévite se convertirait peut-être, échappant ainsi à la mort. Mais Élie n’avait pas le choix : tout arrivait par sa faute, et Jézabel voulait sa tête de toute façon.

 

« C’est un ange du Seigneur qui m’a envoyé parler au roi Achab et l’avertir qu’il ne pleuvrait pas tant que Baal serait adoré en Israël », expliqua-t-il, en demandant presque pardon pour avoir écouté les paroles de l’ange. «Mais Dieu agit avec lenteur; quand la sécheresse commencera à produire son effet, la princesse Jézabel aura détruit tous ceux qui sont restés fidèles au Seigneur.»

 

Le lévite resta silencieux. Il se demandait s’il devait se convertir à Baal ou mourir au nom du Seigneur.

 

«Qui est Dieu ? poursuivit Élie. Est-ce Lui qui tient l’épée du soldat exécutant les hommes fidèles à la foi de nos patriarches ? Est-ce Lui qui a mis une princesse étrangère sur le trône de notre pays, afin que tous ces malheurs s’abattent sur notre génération ? Est-ce Dieu qui tue les fidèles, les innocents, ceux qui suivent la loi de Moïse ? »

 

Le lévite prit une décision : il préférait mourir. Alors il se mit à rire, parce que l’idée de la mort ne l’effrayait plus. Il se tourna vers le jeune prophète et s’efforça de le tranquilliser :

 

« Demande à Dieu qui Il est, puisque tu doutes de Ses décisions. Pour ma part, j’ai déjà accepté mon destin.

 

- Le Seigneur ne peut pas désirer que nous soyons impitoyablement massacrés, insista Élie.                          

Zone de Texte: Le plaisir de lire
Zone de Texte: Les premiers paragraphes du roman

Au IXe siècle avant notre ère, Dieu ordonne au prophète Élie de quitter Israël. Son chemin le mène alors à Sarepta, une petite cité phénicienne. Là, dans la ville assiégée par les Assyriens, Élie perdra tout, notamment la femme aimée, et sera pris dans un tourbillon d’événements dramatiques qui le conduiront à affronter Dieu.

 

Se fondant sur fragment de la Bible (1 Rois, 17 et 2 Rois, 2), Paulo Coelho développe les thèmes qui, depuis L’Alchimiste, font la force de son œuvre : le sens que chacun doit donner à sa vie, la persévérance avec laquelle il faut suivre sa Légende Personnelle, la nécessité d’espérer, et de comprendre que la tragédie faisant irruption dans une existence n’est pas une punition, mais un défi pour l’homme qui doit la dépasser...         

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