Toutes les histoires d’amour sont semblables.

 

Nous avions passé ensemble notre enfance et notre adolescence. Puis il partit, comme partent tous les garçons des petites villes. Il dit qu’il voulait connaître le monde, que ses rêves allaient bien au-delà des terres de Soria.

 

Pendant quelques années, je n’ai pas eu de nouvelles. De temps à autre je recevais une lettre, mais c’était tout, car il ne revint jamais aux bois et aux rues de notre enfance.

 

Quand j’eus terminé mes études, j’allai habiter Saragosse, et je découvris qu’il avait raison. Soria était une petite ville, et son unique grand poète a dit que c’est en marchant que se fait le chemin. J’entrai à la faculté et trouvai un fiancé. Et je me mis à préparer un concours dans l’administration publique. Je trouvai un emploi de vendeuse pour payer mes études, échouai au concours, renonçai au fiancé.

 

Ses lettres alors, devinrent peu à peu plus fréquentes, avec des timbres de différents pays. J’étais jalouse. Il était l’ami plus âgé, celui qui savait tout, qui parcourait le monde, laissait grandir ses ailes, tandis que moi je cherchais à m’enraciner.

 

Un beau jour, ses lettres ont commencé à parler de Dieu. Elles provenaient toutes d’un même endroit, en France. Dans l’une d’elles, il exprimait son désir d’entrer au séminaire et de consacrer sa vie à la prière. Je répondis en lui demandant d’attendre un peu, de vivre un peu plus longtemps sa liberté avant de prendre un engagement si grave.

 

Après avoir relu ma lettre, je décidai de la déchirer : qui donc étais-je pour lui parler de liberté ou d’engagement ? Lui savait ce que ces mots voulaient dire, moi non.

 

Un jour, j’appris qu’il donnait des conférences. Je fus surprise, car il était trop jeune pour pouvoir enseigner quoi que ce fût. Mais, voilà deux semaines il m’a envoyé une carte dans laquelle il disait qu’il devait prendre la parole devant un petit groupe à Madrid, et qu’il tenait beaucoup à ma présence.

 

J’ai mis quatre heures pour aller de Saragosse à Madrid ; mais je voulais le revoir. Je voulais l’entendre. Je voulais m’asseoir avec lui dans un café, évoquer le temps où nous jouions ensemble et pensions que le monde était trop vaste pour qu’on en fît le tour.

 

La conférence avait lieu dans un endroit plus conventionnel que je ne m’attendais à en trouver.      

                     

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… Je me suis assise et j’ai pleuré. La légende raconte que tout ce qui tombe dans les eaux de cette rivière, les feuilles, les insectes, les plumes des oiseaux, tout se transforme en pierres de son lit. Ah ! que ne donnerais-je pas pour pouvoir arracher mon cœur de ma poitrine et le jeter dans le courant… Il n’y aurait alors plus de douleur, plus de regret, plus de souvenirs.

 

Sur le bord de la rivière Piedra je me suis assise et j’ai pleuré. Le froid de l’hiver a fait que j’ai senti les larmes sur mon visage, et elles se sont mêlées aux eaux glaciales qui coulent devant moi. Quelque part, cette rivière rejoint une autre, puis une autre, jusqu’au moment où, bien loin de mes yeux et de mon cœur, toutes ces eaux se confondent avec la mer.

 

Que mes larmes coulent ainsi très loin, afin que mon amour ne sache jamais qu’un jour j’ai pleuré pour lui. Que mes larmes coulent très loin, et alors j’oublierai la rivière, le monastère, l’église dans les Pyrénées, la brume, les chemins que nous avons parcourus ensemble.

 

J’oublierai les routes, les montagnes et les champs de mes rêves, ces rêves qui étaient les miens et que je ne reconnais pas.

 

Je me souviens de mon instant magique, de ce moment où un «oui» ou un «non» peut changer toute notre existence. Il me semble qu’il y a bien longtemps de cela, et pourtant voilà seulement une semaine que j’ai retrouvé mon amour et que je l’ai perdu.

 

C’est sur les rives de la rivière Piedra que j’ai écrit cette histoire. J’avais les mains gelées, mes jambes repliées s’engourdissaient et je devais m’interrompre à tout instant.

 

«Essaie seulement de vivre. Se souvenir est l’apanage des plus vieux», disait-il.

 

Peut-être l’amour nous fait-il vieillir avant l’heure et redevenir jeunes quand la jeunesse s’en est allée. Mais comment ne pas se rappeler ces moments-là ? C’est pour cette raison que j’écris, pour transformer la tristesse en nostalgie, la solitude en souvenirs. Pour que, lorsque j’aurai fini cette histoire, je puisse la jeter à la rivière Piedra— ainsi avait dit la femme qui m’avait reçue. Alors, pour employer les mots qu’avait prononcés une sainte, les eaux pourraient éteindre ce que le feu avait écrit.                     

Zone de Texte: Le plaisir de lire
Zone de Texte: Premiers paragraphes
du roman

Une histoire d’amour renferme tous les secrets du monde. Pilar, et son compagnon se sont connus dans l’enfance. Éloignés au cours de leur adolescence, voici qu’ils se retrouvent onze ans plus tard. Elle, une femme à qui la vie a appris à être forte et à ne pas se laisser déborder par ses sentiments. Lui, un homme qui possède le don de guérir les autres et cherche dans la religion une solution à ses conflits intérieurs.

 

Tous deux sont unis par le désir de changer et de poursuivre leurs rêves. Pour y parvenir, il leur faudra surmonter bien des obstacles : la peur de se donner, le sentiment de la faute, les préjugés. Pilar et son compagnon décident alors de se rendre dans un petit village des Pyrénées, pour découvrir leur propre vérité.

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