C’est toujours là que je me réveille. Même après bientôt trois ans, chaque fois qu’on fait l’amour je rêve de cette maudite scène. Chaque détail, chaque mot prononcé me revient de la même façon, dans le même ordre. La naissance d’Antoine est burinée dans mon esprit pour l’éternité.

 

D’abord, soyons honnête, j’ai vécu une souffrance terrible. Même si ce n’était pas mon système reproducteur qu’on passait au tordeur, je vous garantis qu’Annie s’est chargée de me faire partager sa douleur.

 

Très tôt durant le travail, alors que j’étais penché sur elle pour l’encourager, elle a fait éclater ma lèvre supérieure avec son coude. Évidemment, elle m’a assuré que c’était par accident, que la contraction l’avait surprise. Je ne suis pas revenu sur l’incident, mais c’est bien parce que le point de suture m’empêchait de parler.

 

Ensuite, quand est venu le temps de pousser, elle a jeté son dévolu sur mes avant-bras. Avec ses ongles. Heureusement l’infirmière a eu la bonté de désinfecter mes plaies à toutes les demi-heures.

 

Puis la petite tête du bébé s’est pointée et tout le monde a poussé un soupir de soulagement alors que, moi, je trouvais particulièrement horrible la vision de cette grosse boule sanguinolente coincée dans ce sexe distendu. Heureusement que l’obstétricienne avait posté une infirmière derrière moi parce que mes deux genoux ont plié en même temps.          

 

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Quelques mèches humides descendent sur son front. Ses yeux basculent régulièrement vers l’arrière et elle n’arrive pas à reprendre tout à fait son souffle. Je jette un regard sur le moniteur cardiaque, persuadé qu’elle va y laisser sa peau,  que je vais finir ma vie enroulé sur moi-même comme un vieux chien arthritique, cloué au sol, le nez dans la poussière.

 

- Ramasse tes forces, Annie.

- Va chier !  

 

Galvanisée par la douleur, elle secoue la tête, baptisant l’équipe médicale de sueurs froides et chaudes.

 

- Va falloir que tu pousses plus fort. Elle sortira pas de là toute seule…

 

Elle empoigne ma chevelure à deux mains et m’agite de tous bords et de tous côtés.

 

- Je veux plus t’entendre !

 

J’essaie de me dégager. Dans la bataille, je laisse une bonne poignée de cheveux entre ses doigts.

 

- Elle va me faire exploser, Julien, je te jure qu’elle va me faire exploser !

 

Et elle explose littéralement. Tout le monde se retrouve couvert d’un jus multicolore et malodorant. En prime, moi, je reçois un paquet de tripes en travers de la gueule.  

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À travers les yeux de Julien, attachant personnage découvert dans L’Avaleur de sable, Stéphane Bourguignon propose une vision masculine, à la fois drôle et touchante, des sujets qui lui sont chers : l’amitié, les relations hommes-femmes et la paternité. Le Principe du geyser est un récit bouleversant de lucidité.

 

À l’approche de la trentaine, Julien a endossé, sans trop y penser le statut de conjoint, de travailleur et de père… Dans quel état reviendra-t-il de cette semaine de vacances qu’il prend, en célibataire et sans enfant? 

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Zone de Texte: Les premiers paragraphes du roman

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