- En avant, Gripoil ! Nous devons nous hâter. Le temps est court. Vois ! Les feux d’alarme de Gondor sont allumés, appelant à l’aide. La guerre a commencé. Regarde, voilà le feu sur l’Amon Dîn, et la flamme sur l’Eilenach; et là, ils gagnent rapidement l’ouest : le Nardol, l’Erelas, le Min-Rimmon, le Calenhad et l’Halifirien aux frontières de Rohan.

 

Mais Gripoil ralentit son allure et se mit au pas; puis il se leva la tête et hennit. Et des ténèbres vint en réponse le hennissement d’autres chevaux; on entendit bientôt le son mat de sabots, et trois cavaliers passèrent comme des spectres volants dans la lune pour s’évanouir dans l’ouest. Gripoil se ramassa alors et s’élança, et la nuit coula sur lui comme un vent mugissant.

 

La somnolence reprit Pippin, et il ne prêta guère attention à Gandalf qui lui parlait des coutumes de Gondor; il lui expliquait que le Seigneur de la Cité avait fait édifier des tours pour les feux d’alarme au sommet des collines isolées le long des deux lisières de la grande chaîne et qu’il maintient en ces points des postes où des chevaux frais étaient prêts en permanence à porter ses messages en Rohan au nord ou à Belfalas au sud.

 

- Il y a longtemps que les feux du Nord n’avaient pas été allumés, dit-il; et dans l’ancien temps de Gondor, ils n’étaient pas nécessaires, car ils avaient les Sept Pierres.

 

Pippin s’agita avec inquiétude.

 

- Rendormez-vous et n’ayez pas peur ! dit Gandalf. Car vous n’allez pas, comme Frodon, en Mordor, mais à Minas Tirith, et vous serez là autant en sûreté qu’en aucun autre endroit à l’heure actuelle. Si le Grondor tombe, ou si l’Anneau est pris, la Comté ne sera nullement un refuge.

 

- Vous ne me réconfortez guère, dit Pippin.

 

Mais le sommeil l’envahit néanmoins. La dernière chose dont il se souvint avant de sombrer dans un rêve profond fut un aperçu des hautes cimes blanches, luisant comme des îles flottantes au-dessus des nuages sous la lumière de la lune qui passait à l’ouest. Il se demanda où était Frodon, s’il se trouvait déjà en Mordor ou s’il était mort; et il ne savait pas que Frodon regardait, très loin de là, cette même lune à son déclin au-delà du Gondor avant la venue du jour.

 

Pippin se réveilla au son de voix. Encore un jour de dissimulation et une nuit de chevauchée avaient passé. C’était le crépuscule : l’aube froide était de nouveau proche, et ils étaient entourés de brumes grises. Gripoil fumait de sueur, mais il dressait fièrement l’encolure et ne montrait aucun signe de fatigue.                       

                     

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Pippin risqua un coup d’œil hors de l’abri du manteau de Gandalf. Il se demandait s’il était éveillé ou s’il était encore plongé dans le rêve de rapide mouvement qui l’avait enveloppé si longtemps depuis le début de la grande chevauchée. Le monde obscur se précipitait de part et d’autre, et le vent chantait fort dans ses oreilles. Il ne pouvait voir que les étoiles tournoyantes et, loin sur la droite, de vastes ombres contre le ciel, là où défilaient les montagnes du Sud.

 

Somnolent, il essaya de récapituler les périodes et les étapes de leur voyage, mais sa mémoire était assoupie et incertaine.

 

Il y avait eu la première course à une allure terrible, sans une seule halte; puis à l’aube, il avait vu une pâle lueur dorée, et ils étaient arrivés à une ville silencieuse et à la grande maison vide sur la colline. Et à peine avaient-ils atteint cet abri que l’ombre ailée les avait survolés une fois de plus, tandis que les hommes fléchissaient de peur. Mais Gandalf lui avait dit de douces paroles, et il avait dormi dans un coin, fatigué mais inquiet, vaguement conscient d’allées et venues, de discussions entre les hommes et d’ordres donnés par Gandalf. Puis une nouvelle chevauchée dans la nuit. C’était la deuxième, non, la troisième nuit depuis qu’il avait regardé dans la Pierre. Et sur ce souvenir affreux, il se réveilla tout à fait, frissonna, et le bruit du vent s’emplit de voix menaçantes.

 

Une lumière s’alluma dans le ciel, un flamboiement de feu jaune derrière des barrières sombres. Pippin se tapit, sous le coup d’une frayeur momentanée, se demandant dans quel terrible pays Gandalf l’emportait. Il se frotta les yeux, et il vit alors que c’était la lune, à présent presque pleine, qui se levait au-dessus des ombres de l’est. La nuit n’était donc pas encore très avancée, et le sombre voyage allait se poursuivre pendant des heures. Il remua et parla.

 

- Où sommes-nous, Gandalf ? demanda-t-il.

 

- Dans le royaume de Gondor, répondit le magicien. Le pays d’Anôrien défile toujours.

 

Le silence s’établit de nouveau pendant un moment. Puis :

 

- Qu’est-ce que cela ? s’écria soudain Pippin, s’agrippant au manteau de Gandalf. Regardez ! Du feu, un feu rouge ! Y a-t-il des dragons dans ce pays ? Regardez, en voilà un autre !

 

En réponse, Gandalf cria d’une voix forte à son cheval :

                    

Zone de Texte: Le plaisir de lire
Zone de Texte: Les premiers paragraphes du roman

Le royaume de Gondor s'arme contre Sauron, le seigneur des ténèbres, qui veut asservir tous les peuples libres, hommes et elfes, nains et hobbits. Mais la vaillance des soldats de Minas Tirith ne peut rien désormais contre la puissance maléfique de Mordor. Un fragile espoir, toutefois, demeure : le porteur de l'Anneau, jour après jour, s'approche de la montagne où brûle le feu du destin, seul capable de détruire L'Anneau Unique et de provoquer la chute de Sauron...

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