Claire ! Ce prénom lui transperça le cœur, lui infligeant une souffrance plus cuisante que toute ce qu’il avait supporté jusqu’alors.

 

S’il avait encore eu un corps digne de ce nom, il aurait sans doute été plié en deux par la douleur. Dès qu’il l’avait vue partir vers le cercle de menhirs,  il avait pressenti qu’il en serait ainsi. Au Purgatoire, l’angoisse et le chagrin étaient sans doute des états naturels et il était donc prévisible que les affres de la séparation constituent son principal châtiment, suffisant, à ses yeux, pour racheter tous les crimes qu’il avait pu commettre dans sa vie, y compris le meurtre et la trahison.

 

Il ignorait si les âmes du Purgatoire avaient le droit d’implorer leur Seigneur mais il décida néanmoins de tenter le coup. Mon Dieu, faites qu’ils soient sains et saufs, elle et l’enfant. Il était sûr qu’elle avait réussi à rejoindre le cercle des menhirs. Elle n’était enceinte que de deux mois et courait vite. En outre, c’était la femme la plus têtue qu’il ait jamais rencontrée. Mais était-elle parvenue à retourner là d’où elle était venue? Avait-elle longé sans encombre le périlleux chemin du temps, naviguant à l’aveuglette dans les limbes mystérieux entre le passé et l’avenir? Il ne saurait probablement jamais et cet horrible doute suffisait à lui faire oublier les élancements sourds de son nez cassé.

 

Il reprit l’inventaire de ses maux physiques et fut saisi d’une nouvelle angoisse en constatant que sa jambe gauche avait disparu. Il ne ressentait plus rien à partir de la hanche, hormis un léger picotement au niveau du col du fémur. On lui rendrait sans doute son membre en temps voulu, lorsqu’il serait enfin digne d’entrer au Paradis. Après tout, son beau-frère Ian se débrouilla fort bien avec sa jambe de bois.

 

Toutefois, ce ne devait pas être beau à voir. Et puis, quelle humiliation: lui, le fier guerrier, unijambiste ! Pourquoi pas cul-de-jatte ! Ah, c’était donc ça ! Il était puni pour le péché de vanité. Il serra les dents, décida à accepter son sort avec stoïcisme et humilité. Toutefois, malgré ces bonnes résolutions, il ne put s’empêcher de tendre une main vers sa jambe manquante pour voir où elle s’arrêtait désormais.                    

16 avril 1746

 

Plus loin d’un chef de clan a bataillé,

Plus d’un valeureux guerrier est tombé,

La mort elle-même, s’est fait cher payer,

Tout cela pour le roi d’Ecosse et sa loi.

Où es-tu ? Ne reviendras-tu jamais?

 

Il n’aurait jamais cru qu’un mort puisse avoir autant de mal au nez. A dire vrai, il avait pensé qu’une fois dans l’au-delà, toute forme de douleur physique lui aurait été épargnée. Comme bien des hommes, malgré sa foi inébranlable en la clémence et la bienveillance de son Créateur, il abritait en lui un vestige de culpabilité primale qui lui faisait craindre l’Enfer. De son vivant, il avait entendu nombre de choses sur le royaume de Satan, mais jamais que les tourments réservés à ses malheureux sujets comprenaient des douleurs au nez.

 

Une chose était sûre : il n’était pas au Paradis. D’une part, il ne le méritait pas; d’autre part, ce lieu ne ressemblait en rien à l’idée qu’on se fait habituellement du Paradis.  En outre, il était peu probable que la rétribution des âmes pures, comme celle des damnés, incluse un nez cassé.

 

Il avait toujours imaginé le Purgatoire comme un lieu indéfini et grisâtre. La faible lueur rougeâtre dans laquelle il baignait à présent pouvait convenir. Son esprit s’éclaircissait peu à peu, il récupérait, lentement mais sûrement, sa capacité de raisonnement. D’ailleurs, il commençait à trouver le temps long. Comment se faisait-il qu’on ne lui ait pas encore envoyé une émissaire pour lui transmettre le verdict du Jugement dernier et lui annoncer combien de temps il lui faudrait souffrir avant d’accéder enfin au royaume des cieux? L’émissaire en question serait-il un ange ou un démon ? Il n’avait aucune idée du genre de personnel qu’on employait au Purgatoire, cette question n’ayant jamais été abordée lors de ses leçons de catéchisme.

 

Pour tuer le temps, il dressa l’inventaire des autres tourments qu’il était condamné à endurer. Il était couvert d’entailles et de bleus et son annulaire droit paraissait   à nouveau cassé. Rien de bien méchant, somme toute. Y avait-il autre chose?                  

Zone de Texte: Le plaisir de lire
Zone de Texte: Premiers paragraphes

Dans ce troisième volet, vingt années se sont écoulées depuis le dernier périple de Claire dans l’Écosse du XVIIIe siècle. Si elle a refait sa vie en Angleterre, elle n’a jamais oublié son amour écossais, Jamie. Aussi, lorsqu’elle apprend qu’il a survécu à la sanglante bataille de Culloden, elle ose entreprendre une nouvelle fois le voyage en arrière dans le temps.

 

À peine réuni, le couple est soumis à une série d’aventures qui va conduire Claire et Jamie jusqu’au Antilles où ils découvriront la dure réalité des colonies et de l’esclavage. Mais leur plus grand défi reste celui de réapprendre à se connaître après vingt ans de séparation forcée…  

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