de crédit. Dès l’entrée, l’hôtel du Palais, à Biarritz, vous offre la paix, un hall parfumé au jasmin, des couleurs tendres, l’espace. La petite réceptionniste, derrière son comptoir de noyer, est particulièrement avenante et magnifiquement maquillée; le portier, à gauche, près des ascenseurs et du grand escalier, toujours déférent comme un banquier suisse. Confort moderne dans un décor du X1Xe. En fait il s’agit de l’ancien palais de Napoléon 111 et de l’impératrice Eugénie, transformé en casino, puis en palace pour les têtes couronnées, incendié, reconstruit, occupé par les Allemands pendant la guerre, qui ne s’y sont certainement pas autant amusés que les stars de cinéma après la défaite du Fürher. L’hôtel est un vaste édifice en briques peintes, dans le plus pur style « château anglais ». On raconte que le duc de Winsor et la duchesse s’y sentaient chez eux. Moi, je me sens chez moi partout. Heureux en cellule, à l’aise dans le monde. Je suis un animal domestique à peine apprivoisé, un chat de gouttière qui connaît les bonnes manières. L’idée de prendre mes quartiers à Biarritz m’est venue quand j’ai appris dans Paris Match, que l’empereur Hailé Sélassié, le Lion de Judas, y avait séjourné quelques semaines après que je l’eus rencontré au mois de mars à Montréal. Nous sommes depuis devenus intimes, si je puis dire. |
Disons au départ que cette histoire est sulfureuse, qu’elle sent le diable, le volcan refroidi, les allumettes de bois, la pyramide jaune citron des abords d’usines, les bains d’acide sulfurique. La plupart des gens ne savent distinguer l’odeur du soufre de celle des œufs pourris ? Convenons donc que cette histoire sent les œufs pourris. Et que l’on se bouche le nez, si on ne veut l’entendre ! De toute manière me voilà, ce matin, en train de rédiger un texte de lèse-majesté, de lèse-autorité, de lèse-pontife. J’ai rangé l’encensoir, finies les cérémonies. Par la fenêtre de ma chambre, qui donne sur la mer, je vois, jusqu’à l’autre extrémité de la baie, des surfeurs courageux qui poussent leurs planches vers l’océan. Cette image me conforte, je ne suis pas seul sur terre à jouer les Sisyphe de service. J’irai au bout de ce testament, dussé-je y perdre mon souffle. Adieu les bonnes âmes ! Pour écrire et protéger mes fesses, il a fallu que je me retire du monde. N’ayant aucun goût particulier pour les refuges de montagne, les grottes miraculeuses, les monastères dominicains, j’ai choisi l’hôtel où je suis anonyme à loisir et ne risque de rencontrer quelque comparse. C’est un luxe que je peux me payer avant peut-être me retrouver à la morgue. Je suis arrivé ici avec mon sac à dos, la barbe longue et une carte |
Se faire traiter de jésuite ne le gênait pas trop. Michel Larochelle assumait son rôle : parcourir le vaste monde au service de la Compagnie, trafiquer, résoudre les différends politiques avec doigté et n’utiliser la violence qu’en cas d’absolue nécessité. Mais quand, en mars 1967, le Général des jésuites lui demanda de rencontrer le Négus Hailé Sélassié, sa vie bascula : comment réussir une mission dans ce pays où jadis Rimbaud était allé s’échouer ? Qui seraient ses complices à la cour du Roi des rois ? Rien ne se passa comme prévu. |
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