Je rage et suis le seul à le savoir. Un boxeur qui s'épuise contre son ombre et dans le ventre d'un gymnase désert. Le gymnase, c'est ma voiture. Le match, c'est avec ma mémoire ou, plutôt, contre ma mémoire, à l'éparpiller pour ainsi dire, à la secouer, à l'effilocher qu'il se joue.
Suffit que l'on s'intéresse à moi pour que j'accepte de m'attarder. Ma peur chronique de décevoir. Les reproches d'Andrée ne revienne : "Apprends à refuser, Manuel. Arrête d'avoir peur que les gens ne t'aiment plus." Je m'ébroue, je réplique que... que je suis trop gentil.
- Les bénévoles de la biblioth que ont préparé quelques sandwiches.
|
Les yeux me brûlent. À force de vriller la pluie, de fixer le miroir de la route. Le jaune des phares se perd dans la nuit. Sur le tableau de bord, le bleu électrique, le rouge phosphorescent, le blanc stellaire veillent. Je roule à cent kilomètres-heure. Le cadran lumineux me l'indique. Les diverses aiguilles insistent : tout va bien. J'ai assez d'essence pour me rendre jusqu'au bout de ma course si je le veux, la batterie a toute sa force, le ventilateur pourrait souffler pendant des heures, le moteur ronronne. Tout cela devrait m'apaiser. Pourtant, je ne suis pas tranquille. Au lieu de chercher un gîte, je m'entête à continuer, chiffonné, les yeux dans l'huile sale. |
Longtemps, j'ai pensé que la vie que j'avais choisie n'entretenait que peu de rapports avec celle de mon père. Je ne voyais pas ce que nous aurions pu échanger. J'avais la jeunesse et la prétention de n'avoir rien à apprendre. |
Retour à la page d’accueil |