C'est alors qu'il a décidé de nous mettre à niveau : d'un coup de reins, il nous a arrachés au sol, mon fauteuil et moi, pour nous poser en face de lui, sur le bureau. Même dans cette position, il continuait à dominer la situation d'une bonne tête. À travers le roncier de ses sourcils, son oeil de sanglier fouillait ma conscience comme s'il avait perdu ses clefs.

- Ça vous amuse de torturer les gens?

Il avait une voix bizarrement enfantine, avec un accent de douleur qui se voulait terrorisant.

- C'est ça?

Et moi, là-haut, sur mon trône, incapable de penser à autre chose qu'à cette foutue phrase. Pas même belle. Du toc. Un Français qui veut faire l'Amerloque, peut-être. Où est-ce que j'ai lu ça?

- Vous n'avez jamais peur qu'on vienne vous casser la gueule?

Ses bras s'étaient mis à trembler. Ils communiquaient aux accoudoirs de mon fauteuil une vibration profonde de tout son corps, façon roulement de tambour avant-coureur des tremblements de terre.

 

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C'est d'abord une phrase qui m'a traversé la tête :“la mort est un processus rectiligne.” Le genre de déclaration à l'emporte-pièce qu'on s'attend plutôt à trouver en anglais : “Death is a straight on process”... quelque chose comme ça.

J'étais en train de me demander où j'avais lu ça quand le géant a fait irruption dans mon bureau. La porte n'avait pas encore claqué derrière lui qu'il était déjà penché sur moi:

- C'est vous, Malaussène?

Un squelette immense avec une forme approximative autour. Des os comme des massues et le taillis des cheveux planté au ras du pif.

 

- Benjamin Malaussène, c'est

vous?

Courbé comme un arc par-dessus ma table de travail, il me maintenait prisonnier dans mon fauteuil, ses mains énormes étranglant les accoudoirs. La préhistoire en personne. J'étais plaqué à mon dossier, ma tête s'enlisait dans mes épaules et j'étais incapable de dire si j'étais moi. Je me demandais seulement où j'avais lu cette phrase: “la mort est processus rectiligne”, si c'étais de l'anglais, du français, une traduction...

Zone de Texte: Le plaisir de lire
Zone de Texte: Les premiers paragraphes du roman

"L'amour, Malaussène, je vous propose l'amour!" L'amour? J'ai Julie, j'ai Louna, j'ai Thérèse, j'ai Clara, Verdun, le Petit et Jérémy, J'ai Julius et j'ai Belleville...
"Entendons-nous bien, mon petit, je ne vous propose pas la botte : c'est l'amour avec un grand A que je vous offre : tout l'amour du
monde !" Aussi incroyable que cela puisse paraître, j'ai accepté. J'ai eu tort."
Transformé en objet d'adoration universelle par la reine Zabo, éditeur de génie, Benjamin Malaussène va payer au prix fort toutes les passions
déchaînées parla parution d'un best-seller dont il est censé être l'auteur.

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