C'est alors qu'il a décidé de nous mettre à niveau : d'un coup de reins, il nous a arrachés au sol, mon fauteuil et moi, pour nous poser en face de lui, sur le bureau. Même dans cette position, il continuait à dominer la situation d'une bonne tête. À travers le roncier de ses sourcils, son oeil de sanglier fouillait ma conscience comme s'il avait perdu ses clefs. Il avait une voix bizarrement enfantine, avec un accent de douleur qui se voulait terrorisant. Et moi, là-haut, sur mon trône, incapable de penser à autre chose qu'à cette foutue phrase. Pas même belle. Du toc. Un Français qui veut faire l'Amerloque, peut-être. Où est-ce que j'ai lu ça? Ses bras s'étaient mis à trembler. Ils communiquaient aux accoudoirs de mon fauteuil une vibration profonde de tout son corps, façon roulement de tambour avant-coureur des tremblements de terre.
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C'est d'abord une phrase qui m'a traversé la tête :“la mort est un processus rectiligne.” Le genre de déclaration à l'emporte-pièce qu'on s'attend plutôt à trouver en anglais : “Death is a straight on process”... quelque chose comme ça. - C'est vous, Malaussène?
- Benjamin Malaussène, c'est vous? Courbé comme un arc par-dessus ma table de travail, il me maintenait prisonnier dans mon fauteuil, ses mains énormes étranglant les accoudoirs. La préhistoire en personne. J'étais plaqué à mon dossier, ma tête s'enlisait dans mes épaules et j'étais incapable de dire si j'étais moi. Je me demandais seulement où j'avais lu cette phrase: “la mort est processus rectiligne”, si c'étais de l'anglais, du français, une traduction... |
"L'amour, Malaussène, je vous propose l'amour!" L'amour? J'ai Julie, j'ai Louna, j'ai Thérèse, j'ai Clara, Verdun, le Petit et Jérémy, J'ai Julius et j'ai Belleville... |
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