de place en place sur des gazons, se balançaient des lis: un sable noir, mêlé à de la poudre de corail, parsemait les sentiers, et, au milieu, l'avenue des cyprès faisait d'un bout à l'autre comme une double colonnade d'obélisques verts.
Le palais, bâti en marbre numidique tacheté de jaune, superposait tout au fond, sur de larges assises, ses quatre étages en terrasses. Avec son grand escalier droit en bois d'ébène, portant aux angles de chaque marches la proue d'une galère vaincue, avec ses portes rouges écartelées d'une croix noire, ses grillages d'airain qui le défendaient en bas des scorpions, et ses treillis de baguettes dorées qui bouchaient en haut ses ouvertures, il semblait aux soldats, dans son opulence farouche, aussi solennel et impénétrable que le visage d'Hamilcar. Le Conseil leur avait désigné sa maison pour y tenir un festin; les convalescents qui couchaient dans le temple d’Eschmoûn, se mettant en marche dès l’aurore, s’y étaient traînés sur leurs béquilles. À chaque minute, d’autres arrivaient. Par tous les sentiers, il en débouchait incessamment, comme des torrents qui se précipitent dans un lac.
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C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar.
Les soldats qu'il avait commandés en Silice se donnaient un grand festin pour célébrer le jour anniversaire de la bataille d'Éryx, et comme le maître était absent qu'ils se trouvaient nombreux, ils mangeaient et ils buvaient en pleine liberté. Les capitaines, portant des cothurnes de bronze s'étaient placés dans le chemin du milieu, sous un voile de pourpre à franges d'or, qui s'étendait depuis le mur des écuries jusqu'à la première terrasse du palais; le commun des soldats étaient répandu sous les arbres, où l'on distinguait quantité de bâtiments à toit plat, pressoirs, celliers, magasins, boulangeries et arsenaux, avec une cour pour les éléphants, des fosses pour les bêtes féroces, une prison pour les esclaves.
Des figuiers entouraient les cuisines; un bois de sycomores se prolongeait jusqu'à des masses de verdure, où des grenades resplendissaient parmi les touffes blanches des cotonniers: des vignes chargées de grappes, montaient dans le branchage des pins : un champs de roses s'épanouissait sous des platanes; |
Gustave Flaubert (1821-1880) mit cinq ans à écrire Salammbô. Le roman connut dès sa parution un succès considérable auprès du public. S'inspirant d'un épisode peu connu de l'histoire de Carthage - une révolte de mercenaires qui se double de la passion née entre Salammbô, une belle prêtresse fille du maître de la ville, et Mâtho, le chef des rebelles -.Flaubert se livre à une minutieuse et puissante reconstitution historique qui, au fur et à mesure du déroulement de l'intrigue, devient une vaste épopée chaleureuse, pittoresque, somptueuse. |
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