Je respecte la poussière brûlante de l'arène.  Le galop furibond de la Bête en agonie me passe sur la face. L'odeur du sang et de la mort me poursuit jusque dans la ville étrangère où je suis concierge, 102, rue Cochin, dans le Ve, Paris, France.

Mme Guillou
Elle s'appelle Rose-Alba Almevida et elle prend l'air à sa fenêtre. Voici qu'elle bouge légèrement, les coudes sur l'appui de la fenêtre. De tout petits grains de poussières sèche et noire lui collent, à la peau. Elle crache dans ses doigts et nettoie soigneusement ses coudes. Elle regarde dans la rue d'un air distrait. Elle voit son fils qui dessine sur le trottoir avec des craies de couleur. Cela la rassure et lui permet de retourner aussitôt au plus profond d'elle-même, là où tout est rêve et splendeur. Elle sait très bien
que tout se passe dans sa tête, mais rien au monde ne pourra l'empêcher de divaguer à son aise jusqu'à ce qu'une haine sourde contre la vie qui lui est faite l'envahisse comme une marée d'équinoxe.

 

Rose-Alba Almevida
Rosa, Rosie, Rosita, rose d'Espagne brûlante et musquée, Rose-Alba Almevida, déraisonnable et souveraine, voici que je décline ton nom comme une litanie superbe.

 

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Rose-Alba Almevida
C'est moi qu'on voit par la fenêtre grande ouverte de la loge. Côté rue. Moi, accoudée, qui prend l'air. Ma tête, mes cheveux, ma face adorée, mes épaules rondes, ma forte poitrine, mon peignoir de satin rose, tout ce que j'ai de plus beau, je le monte par la fenêtre. Je fais voir mon haut tout habillé, pour les passants. À partir de midi quand je me lève et qu'il fait beau. Pour ce qui est du bas, c'est encore moi, corps et âme dans le satin, ma croupe rebondie, mes jambes
courtes et mes pieds légers. Ô mes petites mules au bout de mes orteils, balancées comme deux oiseaux volants. Tout cela bien à l'abri, caché dans l'ombre de la cuisine derrière moi. J'ai l'air de regarder dehors, mais en réalité je m'occupe de ma personne en secret. Je pense à moi tout le temps. Et à l'argent. L'argent qu'il me faut pour être moi de plus en plus, sans défaut, de haut en bas et de bas en haut, tout entière exposée au grand soleil de la renommée. Mon fils unique, Miguel, est avec moi, dans le même éclat insoutenable. Un vrai petit torero en habit de lumière. Qu'il soit nu ou habillé, mon fils brille et moi, sa mère, je brille avec lui. Olé! olé! j'entends les cris de la foule en délire. C'est mon fils qu'on acclame.

Zone de Texte: Le plaisir de lire
Zone de Texte: Les premiers paragraphes du roman

Rose-Alba Almevida est concierge, 102, rue Cochin, dans le Ve, Paris, France. Enchaînée à sa loge et à sa machine à coudre, elle entretient soigneusement des rêves de midinette. Pedro, son mari, rêve plus prosaïquement d'un retour au pays. Secrètement leur fils, Miguel, caresse d'autres rêves. Leur existence sera bouleversée par l'apparition d'un seigneur de la nuit, catalyseur pervers des aspirations de la mère et du fils. Rose Alba et Miguel, complices et ennemis, seront aspirés dans le gouffre nocturne ou règnent strass et paillettes, sortilèges et mensonges.

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